+ you have no idea what you're getting yourself into

The night is dark and full of terrors

luna feat rohan.

La nuit était sombre et Luna avançait à pas feutrés dans l’herbe qui entourait l’Eglise de Cahir. Souvent, elle s’y retrouvait pour prier avec d’autres chasseurs. Elle était une catholique endurcie. Pourtant elle tuait, oui, mais elle tuait des créatures du Diable. Elle avait rencontré des loups très doués pour passer pour des humains innocents mais au final ils étaient toujours des mauvaises habitudes, des instincts de meurtriers. Les jeunes encore plus que les anciens. Et visiblement, elle avait trouvé une cible facile, un nouvel arrivant sans attaches et sans amis, un peu solitaire. Comme elle. Python en main, elle avait tout prévu, rien ne pouvait l’empêcher d’arriver à son but à présent. Ni Sam et ses idées pacifistes à la noix, ni les remords, encore moins Alastar. Pourquoi pensait-elle à lui d'ailleurs ? Elle enleva la sécurité de son pistolet et poussa la lourde porte de l'Eglise, elle l'avait vu rentrer dedans. Ca faisait déjà quelques jours qu'elle l'avait pris pour cible sans qu'il ne remarque quoi que ce soit. Le seul qui semblait avoir vu quelque chose -et s'était opposé à elle d'ailleurs- était le frère de l'Alpha de la ville, un chasseur de très mauvaise espèce. Réfléchi, il était un fin mélange entre la mentalité générale de la ville et Sam. Pourquoi revenait-elle toujours à Sam ? Elle ferma la porte, plongeant la salle dans le noir.

❃ ❃ ❃ ❃

Il faisait froid dans les Eglises, mais personne ne vivait dedans alors à quoi bon la chauffer ? Elle fit quelques pas assurés, ses talons claquant sur le sol dans un rythme effrayant. Elle ne le distinguait pas à travers la lueur de la lune, cependant elle pouvait l'entendre respirer. Elle ne savait même pas son nom. Mais il était devenu une cible principale, parce qu'elle voulait prouver au frère d'Alastar dont elle ignorait le nom qu'il pouvait aller se faire foutre avec ses principes, et parce qu'elle était en manque de sang. Tout comme les vampires, elle avait cette soif constante de globules rouges. Elle aimait voir le liquide écarlate s'écouler sur le sol, puis sentir la chaleur des flammes dans son dos. Mais pour l'instant elle ne voulait pas le tuer, juste l'attirer avec elle un peu plus loin. Brûler une Eglise était une très mauvaise idée. Alors elle s'approcha des premiers bancs où le jeune homme était assis. « Hey, salut ! » Elle s'assit à côté de lui comme si de rien n'était. « C'est rare de voir des gens de ton type dans une Eglise. » Elle savait que certains loups priaient, s'en remettaient à Dieu pour les protéger des chasseurs. Sauf que c'était les chasseurs qu'il aidait à tuer.

THE NIGHT IS DARK AND FULL OF TERRORS.

Rohan n’était pas croyant. Il l’avait peut-être été enfant, lorsque sa mère l’emmenait à l’Eglise le dimanche. Mais il avait grandi et avait fini par comprendre que Dieu ne lui serait d’aucune aide. Il n’avait jamais rien fait pour lui alors le jeune homme ne voyait pas pourquoi il irait perdre son temps en prières inutiles. Pourtant, tous les ans, à la date de la mort de son petit frère, il ne pouvait s’empêcher de se rendre dans l’église la plus proche afin d’y allumer un cierge. C’était une chose que sa mère faisait sûrement, il en était persuadé et ce petit rituel était devenu son seul moyen de se rapprocher de sa famille encore en vie. Il ne croyait pas que cette petite lumière pouvait atteindre l’âme de son petit frère mais il avait l’impression qu’ainsi, il respectait les habitudes de sa famille et ne perdait pas totalement ses anciennes attaches. Rien ne l’effrayait plus que l’idée de perdre son humanité et à l’heure actuelle, seule la pensée de ses parents l’empêchait de succomber lorsque la douleur était trop grande. Ce soir, cela faisait cinq ans qu’il avait tué Keegan. Cinq ans que chaque jour, la culpabilité l’empêchait de dormir, que chaque soir, il revoyait le visage déchiré par ses propres crocs de son cadet. Alors même s’il ne croyait plus en rien, Rohan s’était tout de même rendu dans l’église de Cahir afin d’allumer une bougie.
La petite lumière avait immédiatement rejoint les autres flammes qui dansaient sur le râtelier en bois. Le jeune homme avait alors choisi de s’installer sur un des bancs libres de l’église, les mains dans les poches. Levant la tête vers le plafond de l’énorme bâtiment, il contempla les peintures qui s’y trouvaient. Si sa mère s’était trouvée à ses côtés, elle aurait très certainement critiqué sa position nonchalante mais elle n’était pas là. A vrai dire, il était seul dans la froide bâtisse. A croire qu’il était trop tard pour les grenouilles de bénitier ou que tous les habitants de Cahir avaient perdu la foi. Allez savoir. Il avait beau ne pas être croyant, Rohan savait tout de même admirer la beauté des églises. Immenses dames de pierres, elles se dressaient jusqu’au ciel, comme si elles cherchaient désespérément à atteindre ce Dieu que les humains rêvaient de voir, ce Dieu qui les avait tous abandonnés. Y compris lui.

La pleine lune se rapprochait irrémédiablement. Cela se ressentait dans le comportement de Rohan. Il n’avait toujours pas réussi à maîtriser ses accès de colère et ses pulsions violentes lorsqu’elle se rapprochait. Bien heureusement, il avait réussi à ne plus blesser qui que ce soit mais ça l’inquiétait tout de même. Et s’il ne parvenait pas à s’enfermer correctement, et s’il tuait quelqu’un d’autre ? Sa conscience ne le supporterait sûrement pas, à vrai dire. Il n’avait jamais osé revoir ses parents, ne serait-ce que de très loin, effrayé par ce qu’il pourrait découvrir. Leurs visages tristes, hantés par la mort de leurs deux enfants. Rohan ne voulait pas assister à cela, il avait préféré fuir lâchement, persuadé que la simple vue des larmes de sa mère l’aurait achevé. Glissant une cigarette entre ses lèvres, le jeune homme l’alluma et tira longuement dessus. Ce n’était pas vraiment autorisé, c’était sûrement blasphématoire, mais personne n’était là pour lui dire quoi que ce soit. L’église était vide et elle lui offrait un refuge, un sanctuaire paisible, loin du bruit et de l’agitation de la ville.
Ici, Rohan n’entendait rien. Ça sentait la pierre et l’humidité, l’encens peut-être un peu. Ca sentait les enfants de chœur et les vieilles personnes. Ici, il n’y avait personne pour le juger, à part peut-être Dieu s’il existait vraiment. Sa cigarette achevée, il voulut écraser son mégot mais sursauta en percevant des bruits de pas derrière lui. Il s’empressa alors de faire disparaître les traces de son méfait, se disant qu’il s’agissait peut-être d’un membre de l’Eglise. « Hey, salut ! » fit une voix féminine qu’il avait déjà entendue. Une voix qui ne lui disait rien de bon. Rohan se tourna vers la jeune femme et se crispa en reconnaissant ses yeux perçants, la seule chose dont il se rappelait vraiment d’elle. La chasseuse s’installa à côté de lui et le cœur du garçon se mit à battre plus vite. « C'est rare de voir des gens de ton type dans une Eglise. » Rohan inspira profondément. C’était une joueuse. Il avait déjà croisé des chasseurs comme elle – quoi que pas aussi timbrés – et tout ce qui l’intéressait, c’était la chasse. C’était traquer sa proie jusqu’à la rendre folle de désespoir et enfin l’abattre. Le fait de tuer ne semblait même pas lui apporter autant de plaisir que le fait de torturer peu à peu ses victimes. L’on disait les loups-garous monstrueux, mais le jeune homme était persuadé qu’elle était bien plus folle et dangereuse qu’un type comme Alastar. « Les pédés ou les loups-garous ? » demanda-t-il presque du tac au tac, bien que l’anxiété puisse clairement se percevoir dans sa voix. Il avait toujours fait en sorte d’agir comme s’il ne l’avait pas remarquée. Espérant que peut-être, elle l’oublierait en voyant qu’il ne faisait de mal à personne. Mais lorsqu’il avait croisé son regard dans la foule de Cahir une fois, il avait compris ce qu’elle était et qu’elle ne le laisserait jamais tranquille. Quelles chances avait-il de s’enfuir ? Il courait plus vite qu’elle c’était certain, mais il avait senti le métal et la poudre sur elle. La chasseuse était armée et aussi rapide qu’il puisse être, il ne parviendrait jamais à dépasser la vitesse d’une balle. Elle était plus forte que lui, c’était indéniable. Et elle ne semblait pas connaître la pitié, ni avoir épargné qui que ce soit auparavant. Alors il se tourna vers elle, plongeant son regard dans le sien. Les prunelles de la jeune femme lui glacèrent le sang mais il fit de son mieux pour se composer un masque impassible, bien que la peur se lise dans ses propres yeux. « Vous allez me tuer, dit-il dans un souffle. Que ce soit rapide et sans douleur ou long et insoutenable qu’importe. Personne ne me regrettera, personne ne me cherchera. » Il haussa les épaules. Que faisait-il, au juste ? Il essayait de gagner du temps ? Pourquoi faire ? Personne ne viendrait l’aider, il venait clairement de le dire. « Et pourtant, je ne veux pas mourir, » dit-il avec un misérable sourire.

A en juger par sa réaction, il avait deviné qui elle était et pourquoi elle était-là. Tant mieux, elle n’aurait pas lui expliquer par a plus b qu’elle devait le tuer. Peut être qu’elle aurait même le temps d’aller manger après avoir fait sa sale besogne, elle mourait de faim. Il se tourna vers Luna et répondit instantanément alors qu’elle croisait les jambes comme sa mère, femme d’affaires aguerries qui était la seule de sa famille à ne pas que chasser. « Les pédés ou les loups-garous ? » Elle lâcha un petit rire cynique. Elle n’avait rien contre les homosexuels, rien du tout même, son ancien meilleur ami l’était certainement d’ailleurs. Et vu ce qu’il était devenu, ce qu’il lui avait fait, peut être qu’elle aurait dû les haïr… Mais elle haïssait bien plus les loups-garous que n’importe qui d’autre. Il l’observa et elle pouvait déjà sentir la peur qui brillait dans ses yeux, qui transparaissait par tous pores. « Vous allez me tuer » Bien, au moins il était intelligent. Ou fataliste, mais il était observateur, elle devrait lui accorder. Il ajouta : « Que ce soit rapide et sans douleur ou long et insoutenable qu’importe. Personne ne me regrettera, personne ne me cherchera. » Tant mieux, moins d’ennemis à craindre. Lorsqu’elle avait tué une bande de loups dans la région d’Alsace, elle avait dû se cacher pendant un petit bout de temps avant de regagner sa terre natale sans retrouver sa famille pour autant. La Bretagne était assez épargnée au niveau de la population des lycans. Tous éradiqués par les chasseurs. « Et pourtant, je ne veux pas mourir » Qui avait envie de mourir après tout ? Et puis il était déjà mort… Il sourit piteusement et elle haussa les sourcils en souriant. Comment allait-elle le tuer ? Bonne question. Déjà l’attirer en dehors de l’Eglise, elle n’avait jamais tué dans la maison de Dieu et ce n’était pas près de commencer.

Elle finit par se lever et prendre son fidèle Python entre ses doigts. Elle aimait le toucher glacé de cet instrument de mort. Combien de vies –ou de morts– avait-elle ôté avec cet objet ? Elle ne comptait plus. Elle le fit glisser dans la poche avant de son jean, il n’allait pas l’attaquer, pas le style du bonhomme. Ses yeux se glissèrent dans ceux du jeune homme. Alors il était gay ? Dommage, il était plutôt mignon. Bon, assez de bavardages. Comment le sortir de là ? Le tirer par les cheveux ? Lui promettre d’abréger ses souffrances rapidement ? « J’ai pas pour habitude de torturer les jeunes qui n’ont rien fait. C’est pas vraiment ta faute. » Elle lui offrit un sourire bienveillant et prit son sac à main pour en sortir une bouteille d’eau et deux sandwiches. Jambon beurre, elle était partie en catastrophe de chez son ami. Instaurer un minimum de confiance. Et puis il était jeune, elle le laisserait un peu vivre avant de mourir. Puisque pour elle vivre était manger, clairement. Et tuer. Elle lui tendit les deux sandwiches et le laissa choisir. Elle prendrait l’autre, qu’il n’ait pas à être suspicieux et de toute manière elle n’allait pas le tuer en l’empoisonnant, elle ne trouverait aucun intérêt à le tuer de cette manière. « Pas de poison, t’inquiète pas, je suis pas comme ça. » Elle lui sourit avec amusement. Il était vraiment adorablement effrayé.