« Pas de bêtises, je compte sur toi. » Je poussais un soupire et pris Norah dans mes bras. « Je serai un ange, comme d'habitude tantine. » Elle m'embrassa une dernière fois et je la suivis du regard quitter le chemin en terre jusqu'à ce que son 4X4 disparaisse derrière les grands arbres à l'entrée du premier virage. Je poussais un soupire et referma la porte d'entrée. ENFIN LIBRE ! Ma tante était adorable, mais elle avait parfois tendance à se montrer quelque peu étouffante, cependant c'était compréhensible, il n'était pas évident d'élever la fille de son défunt frère accusé à tord d'avoir assassiné son épouse. Elle avait du mérite ma tante, j'étais loin d'être un cadeau et mon bagage émotionnel était fort bien rempli, voir même un peu trop pour une femme célibataire très impliquée dans sa profession. Je vouais beaucoup d'admiration à Norah, elle était un véritable modèle pour moi, une grande source d'inspiration. Elle m'avait élevé seule, me gérant entre sa profession de psychologue et sa nature de loup-garou. En somme, ma tante était mon héroïne et je ne lui serais jamais assez reconnaissante pour tout ce qu'elle avait fait pour moi. Donc c'était tout naturellement que je lui avais certifié qu'elle pouvait partir à son congrès l'âme sereine, que je saurais parfaitement prendre soin de moi et que je ne manquerais de rien. J'avais osé rajouter que si la nourriture se faisait rare je pouvais toujours dévorer un humain dans les environs, mais elle avait paru plus inquiète qu'autre chose. Cela dit je la comprenais parfaitement, je pouvais faire preuve d'un humour des plus décalées et pas forcément très drôle. En tout cas, son absence me permettait d'inviter qui je voulais à la maison. La majorité des adolescents de mon âge en auraient profité pour faire une méga soirée de la mort qui tue, mais j'avais objecté pour un plan plus raisonnable : étudier avec une amie. En même temps ce n'était pas comme si j'avais vraiment le choix. J'étais probablement la fille la plus fuie et détestée de tout Cahir et personne à part Keinan et Louella ne voulait m'adresser la parole, alors venir à une fête organisée par mes soins encore moins. D'ailleurs, ce n'était autre que Louella que j'avais convié dans mon humble demeure pour un travail de littérature à rendre le lendemain. Outre le fait d'être une amie, elle était également mon binôme de travail. Mais notre amitié n'était pas aussi évidente que celle que j'entretenais avec Keinan. Gamines, nous étions fusionnelles, mais ses parents avaient décidé qu’il était préférable pour l’intégration de leur fille de ne pas côtoyer la progéniture d’un criminel. Ainsi, nos chemins s’étaient séparés pour se retrouver au début de l’année scolaire. Depuis, nous nous arrangions pour nous voir en cachette. Personne ne devait être au courant de cette amitié et encore moins ses parents. D’ailleurs, je me demandais bien qu’elle mensonge Louella avait bien pu leur raconter pour venir étudier chez moi. Je disposais sur la table basse du salon un saladier rempli de chips et deux canettes de soda bien fraîches avant de me laisser tomber dans le canapé en attendant un signe de vie.

La sonnette retentit et je m'empressais aller ouvrir vêtue de mon short en jean déchiré sur les cuisses et d'un débardeur gris qui moulait mes formes à la perfection. En ouvrant la porte je me jetais dans les bras de Lou - qui soit dit en passant était vraiment ravissante -. « J'ai cru que tu n'arriverais jamais ! » Je la fis entrer, ferma la porte derrière elle et l'invita à me rejoindre sur le canapé. « On a la maison pour nous toutes seules, ma tante est à un congrès pour son boulot. J'espère que tu aimes les chips et le soda ? » J'étais vraiment contente de ne pas être seule, non pas que j'ai peur de rester seule, loin de là, mais je n'étais pas un loup solitaire, je me préférais en meute.

« Mmh... Ça veut dire qu'on va pouvoir danser en sautant sur les canapés et manger des sucreries à volonté ? » Je me mis à rire avec elle à ce simple souvenir. Gosses, nous avions tendance à mettre la musique et à faire les folles tout en se gavant de bonbons que je cachais dans le tiroir de ma table de nuit. Parfois, mon père nous surprenait et jouait avec nous en promettant de garder notre petit secret. Il était adorable, il était le meilleur des papas et si les gens le connaissaient comme moi je l'ai connu, ils sauraient que cet homme était incapable de tuer la femme de sa vie et la mère de son enfant. Je fis mine de réfléchir en fronçant les sourcils. « Je pense que c'est faisable, après tout ça nous rappellera le bon vieux temps. Toutefois, je dois te prévenir que pour cause de rupture de stock de sucreries, on devra se rabattre sur de la crème glacée. » Je poussais un soupire qui se voulait désespéré, mais je ne pus retenir mon sérieux plus longtemps et lui balançais un coussin au visage en riant. C'était tellement bon, tellement bon de pouvoir se sentir soi-même, de ne pas se sentir jugé, de pouvoir laisser tomber le masque pour retrouver un brin de joie de vivre. « Fais-moi un câlin, Santie. » Dit-elle en ouvrant les bras dans ma direction. Il ne fallut pas me le redemander deux fois, je me levais de ma si confortable place et m'avançais vers elle. Je la pris dans mes bras et une décharge électrique me parcourra la colonne vertébrale. Je la serrais un peu plus fort contre moi et enfuie mon visage dans ses cheveux pour sentir à plein poumon son odeur. Elle sentait incroyablement bon, elle était douce et je n'avais qu'une envie : la protéger. Louella était aussi fragile qu'une poupée, aussi belle qu'une déesse et je comprenais que certains garçons tombent facilement sous son charme. « Tu m'as manqué Lou... » Lui murmurais-je au creux de l'oreille. C'est vrai, elle m'avait énormément manqué et la retrouver était le plus beau cadeau qu'on avait pu me faire jusqu'à présent. C'était si bon de la sentir contre moi, d'avoir un peu de chaleur humaine. Quand les gens passent leur temps à vous fuir, vous sautez sur la moindre occasion pour avoir un peu d'affection. Je me reculais et lui déposa un baiser sur le front avant de remettre une mèche de ses cheveux derrière son oreille. « Suis-moi, il faut absolument que tu vois ma chambre ! » Attrapant les sodas et faisant un détour pour la crème glacée, je l'entraînais à l'étage et la fit pénétrer dans mon coin de paradis.

Louella se coucha sur mon lit l'air complètement émerveillé. « Je crois que je vais passer ma vie ici. » Je ne pus m'empêcher de sourire. Ma chambre était plutôt spacieuse et comporté une sorte de baie vitrée arrondi devant laquelle était disposée une banquette. La déco était tout à fait personnelle et très artistique, les peintures et photographies se succédaient sur les murs. J'adorais ma chambre, elle était le reflet de mon âme, de ma créativité et c'était le seul endroit où je me sentais réellement libre d'être moi-même. Je m'allongeais à côté d'elle et lui tendis une canette de soda. Ouvrant la mienne, j'avalais quelques gorgées. « Tu es la bienvenue en tout cas, le lit est assez grand pour nous deux, en revanche j'ai tendance à m'étaler. » Je lui tirais la langue et avalais encore quelques gorgées de ma boisson. A ce moment précis, je me sentais pleinement heureuse. J'étais dans un endroit que j'affectionnais énormément avec une personne qui était chère à mon coeur. Je repassais en boucle dans mon esprit tous les bons moments que nous avions passés ensemble, nos rires, nos joies, nos balades, nos rêves... Louella me rappelait tous les bons moments de mon enfance, elle me rappelait à quel point j'avais pu être une enfant heureuse et pleine de vie avant le drame qui avait anéanti cette partie de moi. Finissant ma canette, je me retournais vers Louella et pris sa main pour entrelacer mes doigts avec les siens. « Mon père n'a pas tué ma mère. » Les mots étaient sortis tous seuls de ma bouche sans que je puisse les retenir. Depuis nos retrouvailles secrètes, nous n'avions jamais abordé le sujet, mais j'avais besoin qu'elle sache. Il fallait qu'elle sache que tout était faux, que l'homme qu'elle avait connu, celui qui avait joué le roi, le loup et le cheval avec nous n'était pas un meurtrier. « Ma mère m'a caché dans l'armoire et ils...ils les ont tué...tous les deux. » Une boule se forma dans ma gorge et les larmes commencèrent à rouler le long de mes joues. C'était la première fois que j'en parlais, la première fois que je disais à voix haute ce qui s'était passé.