When enemies are at your door
run like hell,
sleep with one eye open.
« Out on the streets your chances are zero, take a look around you. »Aidan se réveilla en sursaut, le cœur battant à tout rompre, comme cela se produit au sortir d'un cauchemar. Mille tambours jouaient dans sa tête et ses membres tremblaient sans qu'il ne put les dominer. Un courant d'air froid envahissait l'ancien bâtiment, ramenant avec lui poussières des meubles désuets et odeurs désagréables, primitives et morbides à la fois. Un parfum qui lui arrivait directement aux narines, un parfum salé capable de faire se retourner n'importe quel estomac. La mort avait élue domicile en cet endroit maudit, hanté selon les dires, il y avait trois corps allongés dans la pièce pour seulement un cœur sain, le sien. Pendant un instant, il fut incapable de savoir où il se trouvait, ni qui se tenait debout à ses côtés. Eamon était son meilleur ami, le petit frère qu'il n'a jamais eu et pourtant il ne lui évoquait rien sur le moment, sauf le néant. Ses souvenirs se clarifièrent soudain lorsqu'il remarqua à sa droite, la dépouille de deux jeunes femmes, toutes deux sauvagement martyrisées, l'une éventrée, l'autre égorgée. Sa petite amie en faisait partie. Son ventre se contracta encore, la nausée l'envahissait, son esprit refusa d'accepter ce que ses yeux voyaient. Il aurait voulu s'en approcher, les pleurer, la pleurer elle surtout, mais sa tête continuait à le faire souffrir et le désir de sommeil l'envahissait de nouveau. Il en fut empêché par son ami qui l'interpella, celui-ci tendit le bras en sa direction pour l'aider à se relever. Il se hissa avec peine sans quitter de vue la scène de l'abattoir et sécha d'un revers de main le filet de sang qui coulait sur sa tempe.
Aidan fut pris de remords et se sentit entièrement responsable face au massacre qui avait eu lieu cette nuit là. Si cette vieille bâtisse était restée inhabitée depuis des siècles ce n'était pas pour rien, la vieille l'avait pourtant prévenue, il n'était pas prudent de s'y aventurer.
« Il se passe des choses, là-bas, que vous ne pouvez imaginer » lui avait-elle confié entre deux tasses d'« Irish Breakfast Tea ». L'inconsciente jeunesse face aux contes... comment ne pas passer outre ces sages conseils et résister à la tentation d'aller y faire un tour ? Ainsi, il invita ses trois proches amis à aller la visiter de nuit, au nom de l'adrénaline et du fun. Maintenant ils ne sont plus que deux, lui, Eamon, et chacun y a perdu sa jeune moitié.
Eamon suggéra de cacher les corps. Personne ne devait découvrir ce qui s'était passé ou ils risquaient de finir leur vie en prison. Sous la puissance des ténèbres, il leur fallait soulever et traîner les morts, creuser les tombes, contrôler les alentours, nettoyer les flaques de sang, de lymphe et restes de chair éparpillés sur le parquet miteux, le tout avant l'aube. Une tâche insurmontable pour Aidan, alors que son ami avançait d'une rapidité et facilité déconcertante. Plus tard, alors que la première ondée matinale se glissait à travers les arbres, Eamon s'approcha de lui et pressa son épaule d'une main forte et insistante, comme pour lui annoncer la fin du calvaire
« On dirait qu'elles ont découvert qu'on ne peut se débattre face à plus fort que soi. ». Ces dernières paroles, emplies d'une certaine fierté et accompagnées d'un regard à la fois sévère et sauvage, eurent l'effet d'un électrochoc. Aidan, n'en revenait pas. Les morsures présentes sur les victimes, le nouveau comportement d'Eamon... tout un tas de détails lui rappelaient les monstres de son enfance. Des larmes de rages brillaient dans ses yeux. La maison n'y était pour rien.
« That apartment you live in feels like it's just a place to hide. When you walkin' down the streets you won't need nowhere there to hide. Everywhere you look now. »Petit, on lui contait les légendes de Cahir, comme pour le prévenir et éviter qu'il ne se hasarde dans quelques endroits reculés, notamment les soirs de pleine lune. Faire peur aux enfants, pour qu'ils ne s'éloignent pas, une bonne stratégie parentale qui, à l'adolescence, perd souvent toute son efficacité.
Aidan avait quatre ans quand il en entendit parler pour la première fois. Ce soir-là, il regardait tomber derrière la fenêtre, ses premiers flocons de neige, pendant que son père lui racontait sa propre histoire à la manière d'un conte de fées
« et il libéra la princesse des griffes de l'affreux loup-garou ». Son père était un chasseur plutôt discret qui préféra préserver son fils plutôt que de lui apprendre le métier. Il veillait tout de même à le mettre en garde. D'années en années, le récit devenait plus réaliste prenant les sinistres teintes de la corruption et du mal. Chaque fois, il employait des mots plus forts, plus précis, pour le préparer sans qu'il ne s'en rende compte à ce qui pourrait l'attendre plus tard.
« Everywhere you look there's murder » Aidan, épuisé, s'était laissé aller à une petite sieste en milieu d'après-midi, carré dans son fauteuil, la tête posée sur un monticule de dossiers, entre l'affaire Cadigane, jeune femme retrouvée étranglée dans sa baignoire en fonte, et l'affaire Eamon Hafford. Depuis sept ans, il enquêtait sur les meurtres de Cahir, selon les circonstances, au travail ou à la maison. Ses connaissances sur les loups-garous et la chasse s'amplifiaient chaque jour, des théories qu'il essayait de mettre en pratique au moins une fois par mois, plus, depuis le retour d'Eamon à Cahir. Quelqu'un entra et tira les rideaux. Les rayons du soleil illuminaient de nouveau la pièce, mettant fin à son cauchemar relatif à ses souvenirs. Ce n'était que sa collègue.
« Alors ? Qu'est-ce que ça donne ? » Aidan se força à revenir à la réalité, posa les deux mains sur le bord du bureau et dit d'un ton ironique
« Rien, comme tu peux le voir » puis ajouta
« Barrington reste le suspect numéro un. » burnt by night.
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