Soupirant face à sa réponse, Nate tourna vivement la tête vers elle, l'air de dire tu te moques de moi !, il n'en revenait pas qu’elle dise que lui ne l'écoutait pas, alors qu’elle même ne prenait pas la peine de le faire. Gros problème de communication entre ces deux là. « Sauf que si tu meurs, je ne pourrais plus t'entendre tu vois. » Logique. Mais on ne peut plus vrai et, bien qu'il ne donne pas l'impression d'être très affecté par cette constatation, il venait de montrer qu'il tenait à elle plus que les apparences ne le laissaient supposer. Oui, il avait eut peur de la perdre, peur de... de ne plus l'entendre. Elle l'agaçait, il avait plusieurs fois eu envie de l'abandonner au milieu de la forêt à leur seconde rencontre, il avait du mal à se faire à son caractère et à ses sautes d'humeur, il n'aimait pas qu'on lui pose tout un tas de questions et c'est exactement ce qu’elle ne pouvait s’empêcher de faire, oui, c'est vrai, mais il... cela lui aurait écorché les lèvre de le dire, mais il l'appréciait. Un peu. De sa tirade ne ressortit qu'une chose, il attacha enfin sa ceinture. Il avait fit mine de n’avoir rien entendu, de ne pas avoir senti sa main sur la sienne, mais il avait seulement énormément de mal à trouver quelque chose à dire. Le 'enfin' lui tira un mince sourire alors qu'il fixait toujours la route, puis son regard se posa sur elle lorsqu'elle fit une réflexion au sujet de toute l'histoire qu'ils avaient fait pour de simples ceintures. Elle n'avait pas tort, mais... « J’espère au moins que tu ne considères pas que c'est de ma faute, c'est toi qui ne m'as pas écouté. » Voilà, il fallait encore que Nathan ne soit pas d'accord. Après tout qu'aurait été leur relation si l'un n'était pas toujours prêt à contredire l'autre... Le silence s'installa dans l'habitacle, un silence qui pouvait paraître pesant mais qui convenait parfaitement au conducteur qui, les yeux rivés sur la route qui défilait, demeurait pensif. A sa question, il faillit répondre sèchement qu'il n'y en avait plus pour bien longtemps puisque sa maison n'était plus qu'à une centaine de mètres. « Je ne bougonnes pas, je réfléchis. Tu veux quand même pas que je mette la radio à fond et que je me mette à chanter aussi !? » Si elle répondait pourquoi pas ça allait mal se passer. Lorsqu'ils s’arrêtèrent devant la maison, Nathaniel la regarda enfin. Il n'avait pas l'intention de se joindre à elle bien que, lorsqu’elle le lui avait proposé, il avait presque accepté. Alors qu'il la regardait descendre, quelque chose lui dit qu'il faisait le mauvais choix. « Kendra... » Question de vie ou de mort. Les battements de son coeur accélérèrent alors qu'il la regardait faire volte-face, se tourner vers lui qui, penché en avant, se retrouvait à à peine quelques centimètres d'elle. Sans réfléchir, à une vitesse hallucinante, il combla l'espace qui se trouvait entre eux et l'embrassa. Cela ne dura qu'une demi seconde, mais il le sentit dans chaque fibre de son être. Se reculant vivement, comme si elle l'avait brûlé, ou prévoyait de le faire, il la regarda avec l'air de celui qui redécouvre quelque chose qu'il croyait perdu à jamais. « Oublie ça tu veux. » Loin du désolé habituel, car il était loin d'être désolé, Nate n'avait plus son ton, ni son air, indifférent et froid. Ni sombre et inquiet. Il la regardait pourtant comme si elle allait le frapper, ce qui aurait été légitime... Oublie ça, parce qu'elle n'avait sans doute pas la moindre envie que cela se reproduise, il avait beau savoir qu'elle l'appréciait énormément depuis qu'il lui avait sauvé la vie et malgré son caractère qui, il fallait l'avouer, était loin d'être facile, il doutait qu’elle veuille de cela. Et parce que, s'il se trompait, il la mettrait en danger. L'un et l'autre savaient qu'il était incontrôlable à la pleine lune, il pouvait la blesser et ne s'en remettrait jamais. Il pouvait la tuer...

" Comme-ci c'était grave" , chuchotait-elle. Oui elle savait que si elle voulait se parler à elle-même, il fallait le faire de façon muette car Nathan pouvait facilement l'entendre. Mais peu importe. C'était un réflexe. Elle regardait toujours la route défiler puis Ken' retint un petit rire. Elle savait quel genre de réplique allait agacer le grand brun ténébreux, c'est pourquoi elle dit, amusée " Tu me tends des perches, tu le fais exprès.". Puis après avoir marqué une courte pause elle reprenait "... Mais... Je pense que c'est un truc à voir une fois dans sa vie, surtout si la chanson craint ". La belle riait un peu avant de se taire en voyant l'air sur le visage de Nathan.

Peu importe ce qu'il venait de se passer, la jolie brune avait bien l'intention d'agir comme elle le faisait souvent: faire comme-ci de rien n'était. C'est pourquoi Kendra avait tout naturellement proposé à Nathan d'entrer un instant. Après avoir pas mal hésité -chose surprenante-, il avait décliné l'invitation. "D'accord, comme tu veux", elle avait ouvert la portière, tournant le dos pour sortir mais elle s'arretait pour se retourner et dire "Merci de pas m'avoir laissée sur la route après ca". Elle fit un mince sourire avant de sortir et de fermer avec précaution la portière. A peine sortie, elle plongeait son nez dans son sac afin de trouver ses maudites clefs qui semblaient bien cachées. Ken' restait plantée sur le trottoir, de peur de se ramasser si elle faisait deux choses en même temps.

La jeune femme se retourna lorsque Nathaniel l'interpella. Elle se penchait afin de pouvoir apercevoir le beau brun qui s'était rapproché. Kendra haussait un peu les sourcils, un air interrogateur sur le visage, se demandant bien ce qu'il avait à lui dire. Ken' ne vit absolument pas la suite arriver. A peine s'était-elle mise à sa hauteur qu'il avait plaqué ses lèvres contre les siennes. Un court, très voire même trop court instant. Des frissons... Une légère décharge parcourut tout son corps. Son coeur battait à tout rompre. Elle avait ressentit tout un tas de choses en une fraction de secondes, ce qui l'avait totalement troublée. Kendra secouait doucement la tête comme pour se remettre de ses émotions et qui sait, peut-être sortir de ses pensées. Après tout, ça lui ressemblait bien de se perdre dans ses pensées et de se faire des films... Mais la voix de Nathan se fit de nouveau entendre, et ses paroles la firent immédiatement réagir. Plus le temps de se demander si tout cela était bien vrai ou non, apparemment c'était le cas mais comprenez là.. Tout cela est juste le comble du surréalisme et du délire. Jamais elle n'aurait pu s'attendre à ça. "Non Attends...", lâchait-elle rapidement en ouvrant la portière. La belle brune reprit rapidement place sur le siège qu'elle venait de quitter,  jetait son sac à ses pieds et se rapprochait doucement de Nathan. Ne pensant plus à rien, refusant totalement de se compliquer la vie, de se poser un tas de questions avant d'agir ou encore de se faire milles scénarios concernant la réaction de son héros, Kendra prit le visage de Nathan entre ses mains. Elle plongeait son regard dans le sien mais ne s'y attardait cependant pas trop afin de ne pas perdre ses moyens, puis l'embrassa délicatement et un peu plus longtemps. Inutile de préciser que Ken' était dans tout ses états à ce moment là et c'est timidement qu'elle jetait un regard au beau loup-garou après s'être séparée de lui. D'une petite voix et le regardant avec des yeux qui feraient fondre n'importe qui, elle lançait "Reste un peu... S'il te plait..". Elle ne savait pas ce qu'elle ressentait, elle était totalement étourdie, ne savait pas comment réagir face à la situation... Mais elle savait une chose: elle ne voulait pas qu'il s'en aille.

Prenant sur lui pour ne rien répondre, Nate demeura concentré sur la route. La suite lui tira un vague sourire qu'il réprima avant de tourner la tête vers elle, posant son regard clair sur elle sans paraître le moins du monde amusé par la réplique. « En ce moment, la plupart des chansons craignent. » Du Nathan tout craché, vous trouvez pas ? Sorte d’humour sans pour autant attendre de rire, sans rire lui-même on, d’accord, c'était du pur et simple sarcasme. Arrêté devant la maison de la jeune femme, il se prit à hésiter à sa proposition. Entrer, ne pas entrer, quel dilemme. Déclinant finalement, il eut l’impression de commettre une erreur. Peut-être même une grosse erreur. Perdu dans ses pensées, il répondit avec un peu de retard. « Euh, ouais, de rien. » Très sincère n'est-ce pas... Voyant qu’elle allait rentrer et la sachant en sécurité, chez elle, ou du moins bientôt à l'intérieur, il s'apprêta à repartir, mis le contact. Et repensa à cette fameuse erreur qu'il avait l'impression de commettre. Dilemme, de nouveau. L'interpellant, il fit son choix. Alors qu'elle apparaissait de nouveau face à lui, il l'embrassa. Inattendu ? A qui le dites vous... Loin d'être prévu, c'était également exactement ce qu'il ne voulait pas voir arriver. Nate ne voulait pas s'attacher, et encore moins à des humains condamnés à être blessés, à mourir, à ne pas savoir se défendre... Des humains qu'il pouvait tuer dans un simple accès de colère, une humaine qu'il avait déjà faillit tuer. Pourtant, elle ne l'écouta pas. Pourquoi l'aurait-elle fait, elle ne le faisait jamais. Remontant en voiture, Kendra se rapprocha dangereusement de lui. Bien que tout son être lui dise, lui crie, lui hurle que c'était mal, il ne bougea pas. Il répondit à son baiser, bien que de nouveau trop court. Il passa une main dans ses cheveux lorsqu'elle lui demanda de rester. Cela ne l'obligeait à rien, au fond... Si. S'il restait, ils auraient forcément une conversation qu'il en voulait pas avoir, parce qu’elle aurait toujours réponse à tout et qu'en plus de détester cela, cela détruisait sa volonté. Pour toute réponse, il coupa le moteur et ouvrit sa portière.

Alors qu’elle le rejoignait sur le trottoir, Nathaniel empoigna doucement le poignet de Kendra pour qu'elle porte toute son attention sur lui. S'adossant au capot de sa voiture, il la relâcha sans pour autant la quitter des yeux. « Je ne suis pas quelqu'un de bien Kendra. J'ai déjà tué, tu le sais, c'était pour me et puis pour te protéger, mais j'ai aussi tué des innocents. Parce que je suis incapable de me contrôler. Tu comprends ce que ça veut dire ? Je pourrais m'en prendre à toi... Le problème c'est que tu te fous d'être blessée, je sais, mais tu sais ce que je ressentirais moi ? Je serais dévasté. Et si tu meurs, je deviendrai totalement taré. » finit-il par dire en faisant un geste vague signifiant qu’elle pouvait répondre si cela l'amusait. Il détourna le regard, s’intéressant subitement à la maison qui se dressait derrière la jeune femme. Il n'avait pas précisé s'il serait dévasté de l'avoir blessée elle en particulier ou d'avoir blessé quelqu'un. Ni si c'était la tuer ou tuer quelqu'un qui le rendrait fou. Néanmoins, la question ne se posait pas...

La jolie Kendra secouait un peu la tête en souriant « Qu'est-ce-que t'en sais, je suis sure que tu écoutes jamais la radio ». Ken' tentait tant bien que mal de s'imaginer l'endroit où Nathan vivait et ses probables activités car oui, elle ne va pas mentir, elle le sait civilisé mais vu son statut et sa personnalité, elle l'imagine vivant reclus... Encore une zone d'ombre qu'elle ne pourra pas éclairer de sitôt. Kendra n'avait pas pu s'empêcher d'agir ainsi et donc d'aller l'embrasser à son tour. Elle n'avait jamais imaginé que cela puisse se produire un jour... Mais pour une fois, il faut croire que la jolie brune avait fixée des limites à son imagination. Ce qui rendait la situation encore plus agréable et surprenante. Cependant, elle savait parfaitement que la suite allait être compliquée. Mais vous la connaissez maintenant,  rien ne lui fait peur. Ken' fixait toujours Nathan avec ce regard craquant, espérant que cette fois il allait accepter de rester avec elle. Pas besoin de s'éterniser trois heures, elle le voulait juste pour elle encore quelques minutes, dans la mesure du supportable -pour le beau loup-garou, cela va de soi-. Clairement, elle savait qu'elle n'aurait pas dû faire ça... Mais en plus de ne pas écouter les autres, elle ne s'écoutait pas elle même. Elle avait profité de la situation pour foncer, comme d'habitude... Repoussant les questions qui se bousculaient dans sa tête au moment d'agir a plus tard. Le geste en lui même n'était en aucun cas quelque chose qu'elle allait regretter mais elle craignait, en quelque sorte, le comportement de Nathan face à tout cela.

Allait-il rester ? La réponse fut rapide. Nathan coupa le contact et ouvrit la portière. Sans plus attendre, Kendra fit de même pour le rejoindre sur le trottoir. Elle baissait le regard afin de voir la main du beau brun attraper doucement son poignet avant de le relever pour le poser sur lui. Elle croisait les bras lorsqu'il la relâcha puis l'écouta attentivement, buvant la moindre de ses paroles, admirant chaque trait de son visage et ses mimiques. Comparé à d'habitude, Ken' ne jouait pas à la jeune femme ridicule, ayant l'air sur un petit nuage ou quoi que ce soit. Elle prenait très au sérieux tout ce qu'il disait, d'ailleurs il pouvait sans doute lire cela sur son visage qu'il n'avait encore jamais vu ainsi. Son visage se figeait un peu entre tristesse et inquiétude. Ses dernières paroles lui firent un pincement au coeur... Le contraire aurait été impossible. Sa vie, sa sécurité avait de l'importance pour quelqu'un... Et pas n'importe qui... Pour Nathan, cet être solitaire, qu'on pense dépourvu de sentiments, de bonnes intentions... Qu'on pense invincible et intouchable, voire inaccessible. Un être qui en apparence, n'a aucune failles. Ken' réalisait qu'elle se trouvait en face d'une personne totalement différente. Nathan révélait une facette de sa personnalité qu'il avait dû enfouir depuis longtemps. Tout cela ne pouvait donc que toucher Kendra...

Passant une main dans ses cheveux légèrement ondulés, elle soupirait doucement avant de laisser un petit silence s'installer. Nathan avait raison, le fréquenter était une chose dangereuse et encore plus dans ce genre de relation car plus on s'attache, plus le risque de perdre l'autre fait souffrir. Et quand cela arrive, je vous raconte pas. Elle prit enfin la parole « Personne n'est parfait. Je sais tout ça, que ta situation implique des pulsions, de commettre des erreurs.T'as raison... J'ai pas peur d'être blessé, je m'en fout royalement. Tout finit par guérir, par cicatriser de toute manière. Je sais que jamais tu ne me feras de mal... T'es peut-être incontrôlable mais regarde comment tu es avec moi, comme tu es... différent. Tu penses pas que ça pourrait avoir une influence... ? », elle avait prit un ton presque suppliant, comme une enfant cherchant un compromis, cherchant à négocier, trouver le positif dans le négatif pour convaincre. Cependant, elle croyait en ce qu'elle disait; en aucun cas la jolie Kendra ne mentait ou ne bluffait. Peut-être que vraiment, en refaisant sortir son humanité, les sentiments joueraient et aideraient au moins un petit peu à le contrôler. Pas de miracles, mais sait-on jamais. Elle se rapprochait un peu pour continuer, très sérieusement et avec dévotion « Si tu ne sais pas encore te contrôler... Je t'aiderais.. Et ça, même si ça me coûte quelques blessures ou je ne sais quoi. Je saurais être prudente pendant la pleine lune, et m'éloigner s'il le faut et si tu le souhaites... Mais je ne mourrais pas, jamais la mort n'a voulu de moi... Pourtant c'est pas faute d'avoir essayé... Tout ira bien, Nathan... ». Kendra avalait difficilement sa salive en repensant à ses malheureuses tentatives puis plongeait son regard dans celui de Nathan. Leur relation allait être encore plus particulière et compliquée, c'était une évidence. Mais peu importe. « Je sais pas ce qu'on va faire... Mais j'vais pas te laisser.  », concluait-elle avant de détourner le regard pour jeter un coup d'oeil autour d'eux histoire de ne pas trop montrer à quel point cette conversation la contrariait.

Jamais ? C'était totalement, faux, Nathan n'était pas aussi cynique et distant une fois seul. Bon, il ne souriait pas plus et demeurait quelqu'un de torturé et de particulièrement blasé de la vie, mais il n'avait plus besoin de dresser des murs entre lui et le mode, il se détendait. Donc, cela lui arrivait d’écouter la radio, évidemment. « Qu'est-ce que t'en sais, si ça se trouve je vais même à des concerts... » Ouais bon faut pas pousser non plus mais il n'était pas aussi reclus que cela ! Quel cliché, sérieusement. Embrasser Kendra, franchement, si on lui avait dit qu'un jour cela arriverait, il aurait juste éclaté de rire. Ou sorti les crocs... Bref, il n'y aurait pas cru une seule seconde. Tout allait contre cette possibilité de toutes manières: son caractère l'agaçait, . Et il ne croyait pas au "les opposés s'attirent", car il y avait exactement le même diction avec "qui se ressemble s'assemble". En gros, c'était idiot. D'ailleurs il ne croyait même pas au fait de tomber amoureux, tout ce qui tombe se brise. Il ne ressentait pas de l'amour, il ne pouvait pas, il ne pouvait tout simplement pas s'être attaché à ce point à une humaine. Une simple humaine qui risquait d'être atteinte par des maladies mortelles, qui ne guérissait que difficilement au bout de longues attentes, qui était si... vulnérable. Il n'y avait que lui pour se poser autant de questions au lieu de profiter d de l'instant. Il ne savait pas faire cela, toujours en train d'anticiper, de penser à toutes les éventualités. De chercher une issue de secours...

Pars, c'est tout ce que son esprit, son corps tout entier lui disait de faire. La voie de la raison. Mais Nate n'écoutait plus que Kendra, il ne voyait plus que son regard suppliant fixé sur lui. C'était quand même vachement mesquin de lui faire cette tête là. Il eut l'impression de peser le pour et le contre durant des lustres, mais cela se fit en à peine quelques secondes, et il finit par couper le contact et sortit de la voiture. Bien que le contre pèse beaucoup plus lourd dans la balance. Et puis zut, depuis quand s'écoutait-il ! Il n'en était plus à une bêtise près, il gaffait tout le temps, il ne faisait que les mauvais choix, un de plus ou de moins... Pour tout dire, il pensait tout autrement, mais se mentir à lui-même l'aidait à se convaincre qu'il ne faisait pas une énorme connerie qu'il regretterait. Lorsqu'il reprit la parole, il avait l'air à la fois inquiet et totalement ailleurs. Il n'avait jamais tenu ce genre de discours, d'habitude il se fichait des autres et, surtout, il ne s'y attachait pas et n'avait donc pas à les prévenir qu'il risquait de leur faire du mal. Pas à s’inquiéter de blesser les autres, pas à craindre de se retrouver seul puisqu’il l'était déjà. La solitude peut être d'un poids écrasant, mais elle lui permettait de vivre sans crainte, de n'avoir aucuns comptes à rendre, de faire ce qu'il lui plaisait de faire sans être jugé ou freiné. Bien maigre consolation, au fond.

Peut-être aurait-il dû partir, ainsi ils n'auraient pas eut cette conversation, et c'aurait été beaucoup plus simple. Maintenant, il avait du mal à s'y retrouver, parce qu'elle avait raison, tout comme lui. Ils étaient tous deux dans le vrai, comment voulez-vous décider quoi que ce soit ? Il passa une main dans ses cheveux courts, se posant mille et une questions. « Et la mort, ça cicatrise peut-être ? Tu t'en fous, une fois morte t'en auras plus rien à faire, mais je crois me souvenir que tu as quelque chose nommé maman à la maison. Et je suis persuadé que tu sais ce que ça fait de perdre quelqu'un, alors imagine deux secondes ce qu’elle ressentirait. Par ma faute. » Il ne répondait pas directement à la question, parce qu'elle avait raison. Bien sûr que cela avait une influence, bien sûr qu'elle parvenait à le changer, mais c'était un risque bien trop grand. La case maman va souffrir cela fonctionnait toujours, du moins cela aurait parfaitement fonctionné avec lui, s'il avait toujours une mère. Parce que la sienne était la personen la plus merveilleuse au monde, et la seule qui l'ai aimé sincèrement depuis sa venue au monde. Avant de mourir. Il serra les dents en y songeant. « Eh bien il suffit d'une seule petite fois pour que notre amie la mort change d'avis, je ne veux pas, c'est tout. Je refuse de te blesser, ne serais-ce qu'une simple griffure. Je vais te le dire autrement, histoire que tu comprennes bien: j'ai peur de te faire du mal. » Peur. Combien de fois avait-il prononcé ce mot dans sa vie ? Combien de fois avait-il avoué ses craintes ? Si peu. Et, depuis ses dix-neuf ans, il n'avait jamais eu peur. Il n'avouait jamais ses craintes, il ne disait jamais ce mot, il n'y songeait même pas. Alors lui dire qu'il avait peur de la blesser, peur pour elle, était la meilleure preuve de sa sincérité. « Je suppose que j'ai pas vraiment mon mot à dire. », fit-il avec un sourire vague et dépourvu de joie. Nathaniel se releva, l'attira à lui de manière à ce qu'ils ne soient plus à un demi pas l'un de l'autre, et planta son regard clair dans le sien. « Qu'est-ce que tu ressens pour moi, Kendra ? » La question qui vaut un million, même plus. Qui n'a pas de prix. Il avait juste besoin de l'entendre, de le savoir, parce que c'était la seule véritable façon de le convaincre. Oui, il tentait de se convaincre, et il avait besoin d'elle pour cela...

Kendra haussait les sourcils, comme-ci elle était surprise... Avant de pouffer de rire, prenant un petit air moqueur et taquin. Elle se contentait de rire, ne pouvant même pas répondre face à quelque chose d'aussi grotesque. Mais bien entendu, la belle ne faisait que le taquiner et il n'y avait aucune méchanceté. Jamais. Elle n'était pas une fille méchante, elle sortait rarement les griffes et n'était jamais mauvaise gratuitement. Si Kendra s'énerve et devient garce, c'est que vous l'aurez vraiment cherché. Bref. Imaginer Nathan à un concert était quelque chose de très drôle. Lui... Au milieu d'une foule hystérique, de pleins d'humains sans doute aussi insupportables que Kendra... Par centaines, voire par milliers ? Oui, non, même pas en rêve. En tout cas, la réponse de Nathan avait bien fait rire la jolie brune, qui appréciait son petit humour particulier. La suite était beaucoup moins drôle, voire même très sérieuse.

En l'entendant dire cela à propos de la mort, elle se frottait le bras, affichant une légère grimace... Elle venait comme une idiote de se frotter le bras où elle s'était blessée. Le fait est qu'en entendant ces mots, elle se sentait bête, reconnaissant qu'il n'avait pas tort pour le coup. Kendra cru s'étouffer en l'entendant évoquer sa mère. Comme-ci parler d'elle allait la raisonner et la dissuader de le fréquenter. Si elle n'avait pas fait preuve d'autant de sérieux pour une fois, elle aurait sans doute rit aux éclats en demandant si il était sérieux. Mais pour cette fois, elle allait s'abstenir, de peur de paraitre désagréable... Après tout, il ne connaissait pas sa vie, ni ses proches... Rien. Elle affichait un petit sourire, comme un rire jaune, en balayant le sujet d'un geste de la main « Ma mère... T'en fais pas pour elle va, elle s'en remettrait. Je sais de quoi je parle. » . Elle faisait allusion à une chose qu'elle seule savait: le comportement de sa mère après la mort de son frère. Un comportement choquant... Elle avait tourné la page à une vitesse déroutante, alors qu'elle était en partie responsable de la mort de son fils. C'est limite si elle n'avait pas reproché à Kendra de pleurer son grand frère assassiné durant toutes ces années. Kendra ne la haïssait pas, elle l'aimait forcément... Mais elle n'était pas proche de sa mère et s'arrangeait pour ne jamais être avec elle trop longtemps, chaque mot ou situation pouvant engendrer un conflit ridicule et violent. Et a chaque fois qu'elle la regardait dans les yeux, elle voyait cette femme incapable de se faire entendre, mariée à une enflure qu'elle a protégé même après qu'il ait fait assassiner son fils. Et honnêtement, elle sentait les nausées lui tordre l'estomac et le dégoût la secouer lorsqu'elle se trouvait en face d'elle. Que de tourments et aucun soutient.

Kendra fit mine de réfléchir avant de répondre tout naturellement, donnant l'impression de parler de quelque chose de banal alors qu'elle parlait de la dureté de sa vie, sans vraiment se plaindre ne faisant que constater des faits « Elle ne changera pas d'avis. La vie a encore trop de souffrance a m'affliger avant de me confier à elle. Je le sais, je le sens.. Et jusqu'ici, je ne me suis jamais trompée. » . Elle se taisait pour écouter Nathan... La jolie brune fronçait légèrement les sourcils, prenant une petite moue triste en l'entendant parler de peur face à ses pulsions. Peur ? Comment Nathan pouvait-il prononcer ce mot... Comment pouvait-il faire partie de son vocabulaire. Encore une preuve de son attachement envers elle. Du coup, la belle se perdit dans ses pensées un long moment.

Kendra était partagée. D'un côté, elle voulait céder, pour lui... Afin de lui éviter de s'en faire quant au comportement qu'il pourrait avoir vis à vis d'elle. Elle ne voulait pas être égoïste et ignorer les avertissements de Nathan. Kendra souhaitait, plus que tout, faire en sorte de respecter ses craintes. Mais d'un autre, elle refusait de faire comme-ci de rien n'était et de renoncer à quelqu'un à qui elle tient. Elle avait perdu son grand frère, sans pouvoir rien y faire. Personne n'avait eut son mot à dire... Le contexte était différent cette fois mais elle avait enfin le choix, la possibilité de faire quelque chose, de faire en sorte que Nathan reste auprès d'elle. Elle haussait les épaules, pour dire d'un air fataliste et sombre « De toute façon, je mourrais un jour. Je suis une simple humaine, vulnérable et inconsciente. Je peux être blessée n'importe quand, par n'importe qui. Il y a plus de chances que je meurs d'un soucis de santé ou dans un accident stupide, qu'attaquée par toi pendant la pleine lune. ». Elle croyait dur comme fer à ce qu'elle affirmait. Mais cela n'allait pas aider à dissiper les craintes de Nathan. Ken' se disait que quoi qu'elle dise, borné comme il était, et se connaissant parfaitement, il ne serait jamais rassuré. Elle reprit donc en posant un regard doux qui se voulait rassurant « »Ce que tu dis Nathan, ça... ça me touche. Mais écoutes moi, s'il te plait. Rien de tel n'arrivera. Tu sais bien mieux que moi ce dont tu es capable... Mais je sais qu'au fond de toi, tu sauras faire attention, tu parviendras à te contrôler. Si moi je n'ai pas peur, si j'ai confiance... C'est que tu peux, toi aussi, avoir confiance en toi.., elle conclut avec un petit sourire tendre alors que pendant que la belle parlait, elle s'était un peu rapprochée pour poser sa main sur son épaule et la serrer doucement. Ken' penchait un peu la tête lorsqu'il lui dit cela, puis répondit avec une moue hésitante « Si... Mais j'aimerais bien qu'on soit sur la même longueur d'onde sur ce point... ».

Son coeur se mit a accélérer brusquement alors qu'il se rapprochait et plantait son regard dans le sien. La question qui suivit ne fit qu'amplifier ces battements. Pour une fois, il lui avait coupé le sifflet. Elle qui répondait toujours très spontanément, sans réfléchir, sans honte et sans retenue, cette fois-ci, elle se retrouvait prise par surprise, la question étant totalement directe et un peu gênante. Ken' tentait de répondre, mais troublée, elle se retrouvait à bafouiller bêtement « Euh... Je... Je... ». Elle se raclait un peu la gorge, et reprenait « Je ressens des choses que je ne devrais pas ressentir... ». C'est dit... Elle sentait ses joues rougir, étant une jeune femme timide, cet aveu ne pouvait qu'empirer les choses. Soufflant pour se donner du courage, elle poursuivait en lui attrapant une main, assez hésitante « J'ai besoin de toi, Nathan. Je veux plus que tu sortes de ma vie, pas après tout ce qui s'est passé. Tu es mon sauveur, mon protecteur... Sans le vouloir, tu m'as donné l'impression d'être importante et d'exister de nouveau... Je... Je sais que tu aurais préféré entendre autre chose... Que tout redevienne plus simple... Que tu puisses t'en aller sans te retourner, sans te tourmenter... Mais je peux pas nier tout ça... Ni mentir... ». Soucieuse et appréhendant sa réaction quant à ses paroles, elle reprit, baissant les yeux, sentant des sanglots venir lui nouer la gorge « Mais après tout ce que tu as fais pour moi... Tu... Tu as le droit de fixer des limites, de prendre tes distances si tu ne veux pas de moi... Je me dois d'être compréhensive et de me taire pour une fois... ». Elle relevait la tête, reposant un regard légèrement rougit par les larmes qui naissaient dans ses yeux « Même si je dois avoir le coeur brisé une seconde fois... Moi je continuerais à penser à toi, je ne fais plus que ça... ». Ne pouvant retenir ses larmes à l'idée de voir Nathan tirer un trait sur ce qui venait de se passer, et s'en aller, elle baissait vite la tête, laissant ses larmes s'écraser lourdement sur le sol, serrant fort sa main...

Secouant la tête, Nathan détourna le regard de sa passagère pour le fixer à nouveau sur la route. Si elle avait croisé un vampire elle se serrait attendue à ce qu'il dorme dans un cercueil, ne mange pas d'ail et ne soit pas croyant parce qu'il redouterait les croix et l'eau bénite ? Il n'allait pas jusqu'à se rendre à des concerts - trop de bruit (surtout que c'était amplifié par son ouïe sur-développée), trop de monde, trop d'alcool et d'hystérie pour lui -, mais il écoutait de musique, d'ailleurs c'était l'une des rares choses qu'il aimait. Adolescent, il jouait même de la guitare. Depuis, il l'avait cassée dans un accès de colère et n'avait jamais plus essayé d'en racheter une pour s'y remettre.

L'entendant parler ainsi de sa mère, Nate eut envie de lui dire qu'elle avait de la chance d'en avoir encore une avant de tourner les talons, mais il savait également mieux que personne à quel point on peut se sentir délaissé et mal-aimé. Elle avait sans doute malheureusement raison. Son père lui avait toujours fait la même impression, celle de se ficher qu'il vive ou meurt, celle de ne jamais s’inquiéter de son sort. Il en était même venu à souhaiter qu'il lui impose des règles pour montrer ne serais-ce qu'un peu qu'il se préoccupait de lui... Le regard fixé sur elle, il hésita. « Et moi ? » Peut-être aurait-il mieux fait de se taire, trop tard... Avec cela, elle savait qu’elle avait une influence sur lui. C'était mal, parce qu'il lui serait encore plus difficile de lui dire qu'il ne voulait pas de cela. Le "plan B" si elle refusait de comprendre était de lui dire qu’elle n'était rien pour lui, qu'il ne ressentait pas la plus petite pointe d’attachement à son égard et qu'elle se faisait des histoires. Ridicule, mais suffisamment douloureux, et il savait se montrer très bon comédien. Après il savait pertinemment que cela l'affecterait également, mais tout plutôt que de lui faire du mal par pure inconscience et égoïsme. Il avait déjà vécu cette situation, il refusait de commettre les mêmes erreurs que son père avant lui.

Là, elle lui tendait des perches, sérieusement. C'est lui qui était capable de lui faire du mal, de lui infliger ces souffrances dont elle parlait comme de stupides banalités. C'est lui qui risquait à tout instant de disjoncter pour telle ou telle raison, parce qu'un son trop puissant le rendrait fou, parce qu'elle aurait dit un truc déplaisant, parce qu'il serait fatigué,... Le danger dans l'histoire, c'était lui. « Justement. Je ne veux pas être la cause de ces fameuses souffrances dont tu parles. » Il détourna le regard lorsqu’elle posa le sien sur lui, le simple fait de prononcer le mot peur représentait un exploit et elle semblait en avoir conscience, mais elle ne changerait sans doute pas d'avis.

La carte du je suis une pauvre humaine et cetera ne fonctionnait pas, loin de là. Au contraire, cela prouvait qu’elle serait incapable de se défendre contre lui et qu'il y avait tellement de façon dont elle pouvait mourir qu'il était inutile de rajouter un énième risque. « C'est censé être rassurant et persuasif ? », demanda-t-il sans la moindre trace de sourire bien que cela soit dit sur un ton se voulant détaché. La suite lui rappela bien trop une situation qu'il ne connaissant que trop bien pour y avoir repensé chaque jour, chaque nuit, depuis que c'était arrivé. Une jeune femme consciente des risques mais ayant une confiance aveugle et étant très persuasive avait convaincu son père de tenter. Ils s'étaient mariés et Nathaniel était né. Cinq ans plus tard, elle mourrait "attaquée par une bête sauvage". C'était beaucoup d'acharnement pour un simple animal effrayé... Il baissa la tête et reprit en évitant soigneusement de la regarder. « J'ai déjà vécu ça Kendra. Je sais ce que c'est. Je connais les risques. Je connais quelqu'un qui s'est attaché à une simple humaine qui connaissait parfaitement sa nature. Il s'est laissé convaincre, ils se sont mariés, ils ont eu un enfant. Et un soir de pleine lune, quand cet enfant avait cinq ans, il s'en est pris à eux. L'enfant a pu se cacher, fuir, et il a regardé sa mère se faire lacérer et déchiqueter. » Il serra les dents et prit une longue inspiration. « Il a regardé son propre père démembrer et massacrer sa mère. » Il, lui. L'enfant qui avait regardé sa mère se faire tuer n'était évidement autre que lui. Mais c'était bien trop douloureux de le dire. Il préférait en parler comme si c'était un autre, comme s'il ne faisait que raconter une histoire qu'il connaissait, pas qu'il avait vécue. C'était trop personnel, trop douloureux, et il ne voulait pas qu'elle lui dise qu'elle était désolée ou se mette à sa place et comprenne que c'était la raison pour laquelle il ne s'attachait à rien ni personne et faisait en sorte que personne ne l'approche. Il préférait qu’elle le croie naturellement froid et distant, détestable, plutôt qu’elle en se dise que c'était à cause de son traumatisme lorsqu'il était enfant, bien que ce soit la vérité. Mais il se trahissait par son attitude, le regard fuyant et rivé au sol... La même longueur d'onde ? « Impossible, je ne peux pas. »

Nathan perçut les battements du coeur de Kendra qui accéléraient brusquement lorsqu'il se rapprocha, plantant son regard clair dans le sien. I. lui posa une question qu'il n’aurait jamais pensé poser à quiconque. Finir seul n'était pas non plus une option, il comptait bien mourir avant d'avoir besoin de compagnie. La réponse était loin d'être ce à quoi il s'attendait. En fait, il ne savait pas à quoi s'attendre, mais surement pas à euh... je... je. Cela s'arrangea à peu près, seulement il n'avait pas la moindre idée de ce qu'il pouvait répondre à cela. Il se retrouvait bien obligé de dire quelque chose, mais quoi ? Lorsqu'elle releva des yeux rougis par les larmes qui y brillaient, son coeur se serra. Plus besoin du plan B, le premier avait l'air de fonctionner, mais cela avait un effet absolument dévastateur. Il eut un sourire mélancolique face à son aveu. Moi aussi, songea-t-il avant de lui relever doucement le visage de la main qu’elle ne tenait pas. « Ne pleure pas Kendra, j'en vaux vraiment pas la peine. Et j'ai jamais dit que je partais... » Maintenant c'était définitivement trop tard. Il essuya ses larmes et eut un vague sourire alors qu'il reprenait. « Tu... laisses-moi le temps, d’accord ? Juste un moment, quelques jours je sais pas, pour réfléchir et... Et savoir ce que je dois faire parce que je t'avouerais que je suis paumé. »

« Et toi... », Kendra se mordait la joue pour ensuite détourner le regard et le perdre un peu plus loin. Un air pensif, elle fermait un peu les yeux en soupirant, repensant à ce qu'il venait de dire... Après un bref silence qui lui semblait avoir duré une éternité, elle se retrouvait sans savoir quoi répondre. Elle se contentait de lui lancer un regard attristé. Oui, Ken' avait oublié l'espace d'un instant que sa mort affecterait Nathan... C'était une nouveauté, quelque chose de fort et d'incroyable pour elle -comme pour lui- et en effet... Qu'adviendrait-il de lui si il lui faisait du mal ? Comment le vivrait-il... Comme elle s'en voudrait de lui causer tant de peine... Elle préférait ne pas penser à tout ça, persuadée que tout irait bien. Kendra passait sa main sur sa nuque en l'entendant dire ça avec un air détaché avant de faire un petit sourire crispé « ... Oui c'est pas la meilleure façon j'sais. Tout ça pour dire que tout peut m'arriver, sauf ce que tu crains tant. ». Elle le savait, elle le sentait... C'est inexplicable on ne peut dire ce qui la rend aussi sure d'elle. En entendant tout cela, Ken' se remémorait sa propre histoire. Elle se souvenait de tout... Chaque bruit, chaque image, chaque parole... Tout était gravé. Cette nuit la hantait depuis des années maintenant. Elle luttait pour ne pas se sentir mal, ne pas craquer... La belle cru se lacérer les pieds tellement elle recroquevillait ses orteils avec violence dans ses chaussures, tentant de camoufler son angoisse. Mais trop tard, tout lui revenait. Le bruit des coups, son frère qu'elle voyait se faire torturer sans pouvoir rien faire... Le moment où enfin, tout cela prit fin. La découverte du corps de son frère, presque méconnaissable après tout ce qu'il avait subit. Cette respiration saccadée, cette lutte pour sortir quelques derniers mots d'amour d'une voix faible, suffocante provenant d'une gorge qui laissait échapper tellement de sang qu'il en devenait presque noir...

Cette terrible histoire la rendait mal à l'aise car elle repensait à sa propre histoire puis imaginait la scène, et se mettait à la place de ce pauvre garçon qui pouvait très bien être le beau brun juste en face d'elle. Rien de pire que de faire inconsciemment travailler son imagination pour vivre une scène traumatisante qui a changé la vie de la personne qui compte, étonnamment, autant pour soi. Kendra n'était pas encore sure à cent pour cent. A vrai dire, elle essayait de se convaincre que Nathan ne pouvait pas avoir vécu, lui aussi, quelque chose d'aussi horrible... Pas lui... Il ne méritait pas qu'une telle chose lui arrive... Sa pauvre mère non plus. En analysant l'attitude de Nathan, et en se rappelant de la dispute qu'ils avaient eut dans la forêt, elle associait cette histoire à son dégoût pour la vie et cette envie d'en finir. Elle ne pouvait que lâcher dans un souffle, horrifiée « C'est terrible...». Ken' secouait légèrement la tête, comme pour chasser les images horribles qu'elle venait d'imaginer, et qui s'ajoutaient à celle de son pauvre frère. Elle reprit la parole afin de mentionner une autre histoire: celle de ses parents. « Chaque histoire est différente, cependant. Ma mère n'a jamais été blessée ou quoi que ce soit. Pourtant mon père, qu'il crame en enfer pour l'éternité, était un sacré taré...». C'était important, selon elle, de souligner cela, car c'était quelque chose qui pouvait peser dans la balance. Sa mère aurait pu se faire massacrer elle aussi, mais rien de tel ne s'est produit. Son frère y est passé et elle a faillit, elle aussi, mourir... Mais c'était une histoire bien compliquée. Sa dernière phrase la fit soupirer, apparemment, c'était fichu.

Kendra s'inquiétait encore plus. Pour elle, lorsqu'il se passe quelque chose d’inattendu entre deux personnes, et qu'ils ne peuvent pas dépasser ce stade, les deux personnes ne peuvent pas continuer de se fréquenter et faire comme-ci de rien n'était. Mais bon, elle n'en savait pas grand chose. L'Amour c'était pas vraiment quelque chose qui l'avait intéressée jusqu'ici, elle n'avait eut que besoin de l'amour de son grand frère et maintenant qu'il n'était plus là, malgré son faux optimisme et son sublime sourire, sa vie n'était plus que haine et tristesse. Elle pensait que Nathan ne reviendrait plus la voir, qu'ils ne se croiseraient plus... Car ce qui se produisait n'avait pas l'air d'être franchement une bonne idée et vu sa personnalité, ne pas contrôler ses sentiments devait être une chose difficile à avaler. Toujours la tête baissée, c'est la main de Nathan qui vint la lui relever. Elle plongeait alors son regard plein de larmes dans le sien, puis haussait les épaules en répondant rapidement afin que sa voix ne déraille pas à cause des sanglots « Bien sûr que si... ». Elle soufflait discrètement en l'entendant dire cela... Quoi, il n'avait pas l'intention de partir alors ?! Lorsqu'il essuya ses larmes, elle fit un petit sourire timide et se calmait, histoire de ne plus pleurer. La suite illuminait complètement son visage et son regard. Tout n'est pas perdu Ken', pensait-elle alors qu'elle acquiesçait en hochant la tête. Avec un peu de temps, peut-être que Nathan changera d'avis... Ou pas, cela reste à voir. Mais une chose est sure: il ne la lâchera pas, il ne l'évitera pas si jamais ils se croisent... Et c'est ce qui comptait. Faire comme-ci rien ne s'était passé serait difficile, mais cela pourrait être pire, il pourrait la rayer de sa vie, faire en sorte de ne plus la voir et il pouvait le faire, elle le savait. Elle inspirait profondément pour dire « D'accord, Nathan... J'imagine, j'ai déjà assez chamboulé ta vie comme ça alors je voudrais pas te brusquer... J'attendrai le temps qu'il faudra. », puis Kendra lui fit un petit sourire. Elle espérait vraiment que le temps passerait vite à partir de ce soir afin de le revoir rapidement et d'entendre le fruit de sa réflexion. La belle se détendait un peu et tirait doucement sa main pour se coller à lui, et rester dans ses bras un court instant, fermant les yeux...

Acquiesçant lorsqu'elle reprit sa question, Nathan songea qu’elle n'avait même pas penser à lui. Et si elle le pensait totalement insensible ? L'ayant vu tuer à trois ou quatre reprises, elle s'était peut-être forgé une opinion bien sombre sur lui. Du genre tueur froid et calculateur. Non, parce qu'ils n'auraient pas échangé ces deux fameux baisers si elle avait eu peur de lui. D'ailleurs, il aurait immédiatement su si elle le craignait. La peur est sans doute le sentiment le plus facile à sentir. Surtout pour un loup qui a l'habitude d'être craint... Il secoua la tête face à son affirmation, qu'est-ce qu’elle avait tort. Justement, il avait la poisse, ce qu'il craignait finissait toujours par arriver. « Tout peut arriver, surtout ce que je crains. En général, c'est ce que je redoute qui se produit. » Toujours. Souffrir c'était son truc, la souffrance et le manque de pot lui collaient à la peau depuis qu'il avait cinq ans et c'était parti pour continuer encore longtemps. C'était entre autre pourquoi il était si méfiant, il estimait que rien de bon ne pouvait lui arriver. Il faut dire que rien de bon ne lui arrivait jamais, c'était plutôt le contraire. Il attirait les ennuis et, bien qu'il s'en soit toujours sorti, il savait qu'un jour viendrait où il se retrouverait coincé. On ne peut pas tout fuir, il avait déjà survécu à bien trop de choses pour que cela se poursuive encore longtemps. Mourir jeune ne lui posait aucun problème, à vrai dire c'était un peu ce qui était prévu... C’est la manière dont cela allait se produire qu'il voulait à tout prix contrôler. Abattu comme un chien par ces salopards de chasseurs, hors de question.

Chaque seconde était gravée en lui, souvenirs indélébile qui jaillissaient de sa mémoire aux moments les plus inattendus, le rendait dingue, le paralysait. Il s'en était toujorus voulu de s'être caché, d’avoir aveuglement obéit, terrifié. Il n'y pouvait rien, il n'avait que cinq ans, mais il se sentait terriblement coupable. S'il était resté... Au fond il savait qu'il serait mort à cinq ans et que cela n’aurait en rien aidé sa mère, mais il ne pouvait s'empêcher d'y penser et de se sentir responsable. C'était peut-être le pire dans l'histoire, ce sentiment irrationnel d'être la cause de toutes ces souffrances. Détournant le regard, il ne répondit pas. Evidemment que c'était terrible. Il se rendait compte qu'il l'avait raconté comme si c'était la chose la plus banale au monde, c'était son histoire, sa vie, pour lui c'était devenu le quotidien, il vivait avec. Il se rendait compte aussi qu'elle savait pertinemment que c'était de lui qu'il était question. « Tu... marques un point. » soupira-t-il, à contre coeur. Elle avait raison, chaque situation est différente, on ne reproduit pas toujours les mêmes erreurs. Au contraire, on apprend de ses erreurs et on essaye toujours de faire mieux que les autres. Seulement, cela, il ne le contrôlait pas...

Faire comme si de rien n'était après cela aurait été impossible, demeurer distant et faire comme s'ils ne se connaissaient pas, changer de trottoir en la voyant, l'ignorer, le serait encore plus. Habituellement il n’aurait eu aucun mal à le faire, au contraire, mais c'était différent. Non, il n'en valait pas la peine. Il n'était rien, rien de plus qu'un pauvre loup-garou solitaire et terriblement égoïste quand cela lui prenait. « Non. » Peut-être changerait-il d'avis, peut-être pas. Près d’elle il sentait sa volonté se briser doucement, mais il refusait de céder. Il refusait d'être égoïste et de la mettre en danger par irresponsabilité. « Merci... » Seconde fois qu'il la remerciait. La première fois, elle lui avait sauvé là vie. Contre toutes attentes, elle l'avait sauvé. C'était justement depuis lors qu'il ne pouvait s’empêcher de penser à elle. Il savait pertinemment que c'était lorsqu'il avait ouvert les yeux, vivant, bien vivant, et avait croisé le regard de Kendra que les pulsations de son coeur avaient changé. Lorsqu'elle se colla contre lui, Nate referma machinalement ses bras sur elle. Depuis quand n'avait-il plus enlacé personne ? Depuis quand était-il un loup-garou froid et distant, extrêmement seul mais se persuadant que c'était exactement ce qu'il lui fallait ? La mort de sa mère avait changé le garçon joyeux en homme sans coeur... Au bout d'une éternité qui lui sembla avoir duré une seconde, il se força à se détacher d'elle. Un pas en arrière et il avait envie de revenir. Il l'embrassa sur le front, résistant à l'envie de capturer à nouveau ses lèvres dans un baiser passionné. Non. Tomber amoureux, à la limite, cela pouvait encore passer, mais tomber dans le pathétique cliché du baiser d'adieu où tout le monde se met à pleurer, non merci. Sur ce, il tourna les talons, remonta dans sa voiture et démarra en trombe, comme pour s'éloigner le plus vite possible histoire de ne pas être tenté de rester. C'est moche. C’est vraiment moche de devoir se forcer à partir ainsi, quand le coeur dicte autre chose que la raison et que, comme d'habitude, on suit la raison. Habitué à faire marcher sa tête et non son coeur, Nathan n’aurait pas pu agir autrement.