c'est le récit d'la forêt uesh.
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Mon regard restait fixé sur les yeux jaunes qui me faisaient face, à quelques mètres de là. Cet imbécile ne semblait pas avoir comprit qu’il était à quelques secondes seulement de se faire déchiqueter et c’est un grondement provenant du fond de ma cage thoracique qui lui rappela ce détail. Il ne lui en fallut visiblement pas plus, puis qu’un instant plus tard, l’animal abandonna l’idée de se confronter à moi en se figeant sur place, puis en s’en allant rejoindre le reste de son groupe qui l'appelait. Un jeune, sans doute, un petit nouveau qui ne me connaissait pas encore. J'aurais pu avoir pitié de son cas dans d'autres circonstances, mais lui et ses camarades s'en étaient pris à la mauvaise victime cette nuit, alors s'il fallait en tuer certains, je ne ferais pas la différence entre les faibles et les forts. Une fois seul, je restais immobile encore un petit moment, jusqu’à être assuré qu’il n’y avait plus personne dans les alentours, puis je tournais immédiatement les talons pour me dépêcher de rejoindre une silhouette gisant au sol, non loin de là
« Quinn… Il est encore trop tôt… ». Je la voyais, sa rage, je la ressentais jusque dans ma moelle, mais une fois de plus, je choisissais de l’ignorer. Ses paupières finirent par se refermer. Non. Je me suis immédiatement laissé tomber à genoux dans la boue pour venir appuyer mes mains contre la blessure béante du chasseur. Mes vêtements étaient gâchés, mais c'était le dernier de mes problèmes, à l'instant.
« Non non non… me fais pas ça maintenant ! » Il fallait qu’il arrête de rôder ainsi… je sentais qu’un de ces jours, j’arriverais trop tard pour le tirer d’affaire et il... bref. Pour l’heure, ma priorité était de ramener le corps inerte de l’homme chez lui et de stabiliser son état, ce que je fis machinalement et à une vitesse affolante.
Après tout, retrouver mon propre frère à moitié-mort était devenu une habitude.
Storyteller
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Je m’appelle Alastar Bartholomew Burns, mais si vous habitez à Cahir, mon nom de famille ne doit pas vous être inconnu. Naturellement que non, puis-ce que c’est sans doute à mon agence immobilière que vous payez votre loyer chaque mois. Je suis l’héritier d’une très ancienne lignée de nobles ayant toujours vécu sur ces terres et que vous le vouliez ou non, la plupart du terrain que vous apercevez chaque matin en regardant par la fenêtre m’appartient… ou tout du moins appartient aux Burns. Créanciers par excellence, ils ont su, au fil du temps, faire en sorte d'avoir leur empreinte dans presque chaque recoin de Cahir et je peux vous assurer que les parcelles qui valaient deux moutons à l'époque ont "légèrement" prit de la valeur depuis le temps.
Ainsi, vous devinerez que bien que je ne sois pas le maire ou un membre de l’administration de la ville, il est difficilement envisageable de prendre des décisions pour Cahir sans m’en faire part, puis-ce que j’ai mon mot à dire sur à peu près tout, étant donné que je possède une part d'à peu près tout. Permis de construire, installations publiques, nouvelles entreprises... lorsque vous discutez de ce genre de choses avec la commune, la commune en discute avec mon entreprise. Oui, forcément, cela implique que je fais partie du comité de gestion et que je sais, ainsi, beaucoup de choses avant beaucoup de gens.
Alors ? Vos premières impressions ? Contrairement à ce que vous êtes sans doute en train de penser, laissez-moi-vous dire que je ne suis pas mégalomane ou plus prétentieux qu'un autre. J’aime la ville dans laquelle je vis et je ne suis pas ici pour jouer à Sims City, mais simplement pour veiller au bon fonctionnement de chaque quartier, de jour comme de nuit, durant cette période de crise économique que l’Irlande traverse. Cela fait approximativement vingt ans que j’ai hérité de l'empire de mes prédécesseurs et si j’avais voulu simplement profiter de mon influence, ça se saurait depuis longtemps. Tout de même… j’ai été bien élevé
Pour la petite histoire, je suis né ici-même, il y a 39 ans, au même moment que mon frère jumeau, Quinn. Bien que nous ayons le même sang, les mêmes yeux et presque la même voix, il a toujours existé une différence majeure entre lui et moi, différence qui persiste encore aujourd’hui : nos caractères. Depuis toujours, mon côté observateur et adaptatif m’a valut d'être rapidement accepté par le milieu bourgeois, ce que le temps n’a fait que confirmer, puis-ce que quoi qu'on puisse dire pour défendre mon frère, mes parents et leur entourage m'ont toujours considéré comme "le plus apte à reprendre le flambeau" des deux jumeaux, en raison de l'impression que je donnais. Quinn, quand à lui, était vu comme celui de qui on n'avait pas grand chose à attendre, car "il n'écoutait rien". C'était le vilain, le moins évolué, le teigneux... soi-disant. Dans un monde où les apparences priment, il faut dire que son tempérament ne jouait pas à son avantage... car en effet, il a toujours été plus extraverti, plus aventureux et dans un sens, plus courageux que moi. C’était lui qui était considéré comme le « sauvage » des deux, malgré le fait que je faisais tout autant de bêtises que lui (il me couvrait systématiquement), mais je peux vous assurer qu'en réalité, il était bien plus mature que moi, puis-ce qu'il savait d'instinct quoi faire pour me protéger et me valoriser aux yeux de tous. Vous l'avez deviné, notre relation a toujours été très forte. Tumultueuse par moments, parfois violente, mais immanquablement intense, car nous ne pouvons pas nous délier l'un de l'autre,
c'est inscrit dans notre sang. C’était lui et moi, un peu plus de l’un ou de l’autre en fonction de la situation, mais au final, cette différence faisait notre force et sans lui je n'en serais pas où j'en suis aujourd'hui. Il m'a toujours protégé, toujours, moi et l'image que les autres avaient de moi.
Quand a eu lieu le premier clivage entre nous ? Lorsqu’il a déguerpi de la maison sans prévenir personne, peu après qu’on ait eu 18 ans. Il est parti… et ça a tout fichu en l’air. J’étais tellement en colère que mon propre jumeau m’ait abandonné du jour au lendemain sans me donner de ses nouvelles, ne serait-ce qu'une fois, que j'ai eu beaucoup de mal à garder la face lors des soirées ou des discussions sérieuses… dieu seul sait à quel point ce départ a pu m’affecter. Ca m'a brisé le coeur, ça a brisé notre relation, mais ça l'a aussi renforcée sans que je m'y attende. En effet, même si j’ai détesté Quinn pendant des mois, même si je l'ai insulté de traitre dans mes pensées, mes propos à son sujet étaient cependant en total contraste avec ce que je gardais en moi: personne, et je dis bien personne, n'avait le droit de critiquer mon frère lorsque j'étais là pour entendre les conversation. C’était bizarre, car malgré le fait que j’étais moi-même blessé et agacé, je suis surtout devenu plus protecteur que jamais envers ce jeune homme, absent, qui était désormais livré aux qu'en dira-t-on. Je défendais ainsi son honneur, sa réputation et sa mémoire devant nos parents et ce tous les jours. C’était mon compagnon de vie avant d’être quelqu’un d’autre, il avait toujours prit des coups à ma place et même si je lui en voulais à ce moment-là de notre histoire, rien ne pouvait changer l’amour que je lui portais, pas même la distance et la rancœur. Il reviendrait un jour, je le savais et en attendant, c’était à mon tour d'élever la voix dans son intérêt. C'était ma dette envers lui.
Et mon frère est bel et bien revenu… mais il est revenu trop tard.
burry the guilt
WHEN I'M GONE, YOU WILL BE SOMEONE NEW
10 Mai 1993, Manoir familial.J’ouvrais les yeux paresseusement et me rasseyais sur mon lit, tout en baillant. J’avais l’impression de ne pas avoir dormi de toute la nuit et la fatigue se faisait ressentir. Malgré tout... c'était une nouvelle journée qui se levait et qu'il fallait affronter. Machinalement, je me suis levé et me suis dirigé vers la salle de bain de ma chambre pour me rafraichir le visage, mais en passant devant le miroir d’une armoire, mes jambes se sont subitement arrêtées et mon regard s’est braqué sur le reflet dans la glace. Du sang. J’étais couvert de sang. Horrifié par la vue de mon propre corps, je poussais un hurlement et perdis l’équilibre pour me retrouver au plancher. Qu’est-ce que c’était que ça ? Qu’est-ce qui s’était passé ? Depuis le soir où cette bête m’avait attaqué, il y a de ça quelques semaines, je ne me reconnaissais plus du tout. Mes colères prenaient une ampleur incontrôlable, tout me paraissait trop bruyant, trop lumineux, trop odorant et j’en passe. Je n'étais pas malade, non... il y avait un
problème qui venait d'ailleurs. Malheureusement, je n’osais pas parler de cette histoire autour de moi, car on m’aurait prit pour un fou, ce qui n’était pas envisageable au vu de ma situation sociale. Je devais être... parfait. Fort et parfait.
Après avoir prit une douche, en tremblant, afin de me décrasser, je me suis changé, puis j'ai descendu les grands escaliers, afin de me rendre à l’étage inférieur pour y retrouver ma mère. Oh, elle était bel et bien là, oui, au milieu du hall d’entrée… mais allongée par terre et noyée dans un liquide sombre. À ce moment précis, les souvenirs de la nuit passée me sont revenus un à un.
Cette nuit. À nouveau, mes jambes me lâchèrent, si bien que je dus presque ramper pour atteindre le cadavre mutilé. Cette nuit, on avait assassiné mes parents de la manière la plus sauvage qui soit. Ils avaient été tués pour être tués, sans alibi valable. C’est ainsi que ça s’est passé et je le savais pertinemment. Mon père ? Il n'était pas en vie non plus, il se trouvait à l'extérieur du manoir. Entre deux spasmes, mes mains tâtonnèrent le corps inerte et glacé de ma génitrice, puis je posais ma tête contre sa poitrine en enlaçant son corps maculé de sang comme un enfant le ferait après un cauchemar. Des sanglots m'échappèrent en même temps que des demandes de pardon, mais je crois qu'ils n'ont jamais été entendus. Le meurtrier, c'était moi.
Nous étions au lendemain de ma première pleine lune et j'avais fais exactement ce que l'Alpha qui m'avait mordu quelques temps plus tôt attendait de moi: j'avais tué. J'avais ainsi passé le test pour obtenir mon diplôme en tant qu'erreur de la nature... à quel prix ?
Depuis ce jour, la rédemption a été mon mot d'ordre. Mais qui, dans ce bas monde, allait bien pouvoir pardonner ce que j'avais fais ?Mother Nature...
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Après l’incident, je ne sais pas ce qui a été le plus difficile : enterrer mes propres parents en devant affronter les condoléances de tout le monde, le faire sans la présence de mon frère, accélérer ma formation visant à préparer mon avenir professionnel ou alors m’initier à ma nouvelle nature de Lycan. C’était beaucoup de responsabilités pour un jeune homme qui n’avait pas encore vingt ans, mais je n’avais pas d’autres choix que de les assumer toutes en même temps.
Je me souviens parfaitement de mon état d’esprit dans les semaines qui ont suivi l’enterrement de père et mère et je peux vous assurer qu’il ne ressemblait à rien de ce que j’avais expérimenté jusqu’alors. Ma tristesse et ma détresse s’étaient transformées en haine. Une haine profonde, doublée d’une soif de vengeance que je me devais d’assouvir au plus vite. Cette bête qui avait gâché ma vie devait mourir de mes propres mains, je me l’étais juré et j’allais tout faire pour atteindre mon objectif. Ca m’aura prit cinq mois au total, le temps de rentrer dans la meute, de comprendre comment les choses fonctionnaient et de me rendre indispensable pour l’Alpha. Cinq mois, mais j’ai finis par l’avoir… et je me suis senti tel un justicier pendant au moins 30 minutes après ma montée dans la hiérarchie. Ouais… une demi-heure seulement, parce qu’après ça, la culpabilité que j’avais réussi à externaliser en mettant le meurtre de mes parents sur le dos de mon « créateur » venait de me revenir en pleine figure : retour à la case départ. Je ne pouvais pas continuer ainsi… blâmer les autres ne m’amènerait nulle part et j’allais finir comme le type que je venais de tuer à ce rythme là. C’est à partir de ce raisonnement que j’ai commencé la remise en question : je devais trouver un moyen de décompenser mon mal-être en faisant quelque chose de bien, car je n’étais sans doute pas le seul à me dégoûter d’avoir fait souffrir mes proches. Devenir un symbole d’équilibre pour ceux qui désiraient poursuivre leur vie le plus normalement possible et briser la spirale de haine qui tournoyait en eux, voila ce qu’il me restait à faire. Je devais devenir fort. Je devais imposer le respect. Je devais être un leader.
Alors c’est ce que je suis devenu. Autant le jour que la nuit.
Dans un autre registre, Quinn avait finit par revenir en ville après son long voyage, alors que je ne l’attendais même plus. Dire que j’étais content de le revoir serait un euphémisme, mais il y avait à présent une barrière entre nous… la distance avait créé un fossé que ni l’un ni l’autre ne semblait prêt à franchir, aussi triste que cela puisse paraître. Je n’étais plus le même, mais il me semblait étranger, lui aussi. Un étranger qui m’a balancé sa part d’héritage en clamant qu’il n’en voulait pas… ouais, heureusement que ça n’a duré que jusqu’au moment où il s’est trouvé une femme et qu’il a décidé de m’en faire part. Magique, l’effet que ça a eu sur notre relation. Ma-gique ! En moins de temps qu’il fallut pour le dire, mon frère et moi nous étions à nouveau rapprochés et si je n’avais pas eu de secret à lui cacher, j’aurais pu dire que notre lien était redevenu le même que lorsque nous étions jeunes.
Oui, mais…holding on & letting go
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Le jour où Quinn a apprit ce que j’étais devenu a marqué un nouveau tournant dans nos vies respectives. Tout allait si bien depuis des années que j’avais osé croire qu’il n’y aurait plus jamais de problèmes entre nous deux, ce qui était absurde, j’en conviens. Pour résumer l’histoire, mon frère avait eu la bonne idée d’aller se promener dehors avec sa femme, un soir, et je vous laisse imaginer comment leur escapade s’est passée. Mal, évidemment. Ils ont croisé la route de lupins et ce qui devait arriver arriva ; ils se sont fait attaquer. Si je n’avais pas été sur le terrain à ce moment précis et que je n’avais pas pu intervenir pour limiter les dégâts, Quinn serait mort. Peut-être est-il mort quand même, quand j’y repense… tout du moins en partie. Au fond de lui. Tout ce que je peux dire avec certitude, c’est qu’il n’a plus jamais été le même après l’incident. Je n’avais pas pu sauver son épouse. Je n’avais pas pu sauver leur futur. Mais ce n’était là qu’une partie du problème : je m’étais montré à découvert pour la première fois devant mon frère qui devait à présent concilier le fait que j’étais de la même espèce que les assassins de sa femme. Dur. Tellement dur. Mais je ne voulais pas qu’il me regarde comme un meurtrier, moi aussi.
Malgré ma fierté et mes obligations qui occupaient la plupart de mon temps, j’ai fais tout mon possible pour tenter un nouveau rapprochement avec Quinn qui n’allait pas bien. Je ne vais pas m’étaler là-dessus, mais disons que nos caractères se sont plus souvent entrechoqués qu’autre chose dans mes tentatives, au final… un jour c’était possible de discuter et le lendemain, c’était comme si tout était à recommencer.
Au bout d’un moment, j’ai finis par lâcher prise sur cette histoire car ça me fatiguait plus qu’autre chose et comme par hasard, c’est exactement LÀ que cette tête brûlée de blond a décidé qu’il allait se recycler en chasseur. Sérieusement ? Lorsque je l’ai vu avec son arbalète pour la première fois, j’étais plus qu’outré et je l’ai pris comme une attaque personnelle. C’est encore un peu le cas maintenant, mais j’ai réussi à prendre un minimum de recul vis-à-vis de sa nouvelle vocation en lui trouvant, comme toujours, des excuses valables pour justifier son choix. Reste que je ne sais pas sur quel pied danser lorsque je le croise, que je ne sais pas s’il est content de me voir ou non, que je ne sais pas ce qu’il a en tête. À nouveau, nous ne nous comprenons plus et y penser me met un sale coup au moral à chaque fois. À bientôt quarante ans, je commence à savoir exactement ce que les gens veulent dire par « nostalgie du bon vieux temps ». Un truc perdu qu’on n’aura plus jamais… alors on s’accroche à ce qui nous reste, à ce qui nous rappelle le passé, on chérit les êtres qui nous rappellent notre enfance, mais en même temps il faut quand même avancer et commencer chaque semaine qui vient en tant qu’adulte… vous comprendrez donc que je ne peux pas accepter le fait que mon frère prenne le risque de mourir à chacune de ses sorties nocturnes, car sans lui, je ne sais pas ce qui me motivera encore à donner de l’amour autour de moi. Peut-être mon fils, mais ça ne serait pas pareil.
Hm… voila, vous savez tout ou presque. Mes journées, mes nuits... je ne vais pas parler de mes différentes copines parce que ça ne vous regarde pas, mais si vous vous posiez encore la question, le gamin que j’ai cité ci-dessus n’est pas le résultat d’une union avec une femme. C’est un orphelin dont les parents ont « disparu » et que je n’ai pas pu m’empêcher de ramener chez moi lorsqu’il avait 4 ans, sans vraiment savoir pourquoi, à la base. Le truc c’est qu’il s’est attaché à moi et que je m’suis attaché à lui aussi, quasiment tout de suite. Donc voila… au final, il a décidé que j’étais son père et c’est très bien comme ça. Oui… Je vous parle de lui comme si c’était encore un enfant, mais cette histoire remonte à y’a un bon moment puis-ce qu’il a fêté ses 15 ans récemment, en fait. Vous me direz que « c’est super, que ça me fait un héritier » et moi je pense que vous devriez d’abord essayer de passer une demi-journée avec lui avant de me sortir ce genre de phrases avec autant d’entrain, parce qu’il n’est en tout cas pas du genre à aimer étudier. Lui, c’est les travaux manuels et le sport, un point c’est tout. Je respecte ça, mais plus sérieusement, il m’inquiète… je le soupçonne d’avoir demandé à Quinn de lui apprendre à tirer et ça me rassure pas spécialement pour la suite.
burnt by night.
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