when i was a child, i wasn't a jedi

an interesting mind, the mind of a kid

La lumière de la télé, elle fait mal. Pas comme celle de la lampe, là-bas, dans le coin. Il l’aime bien cette lampe. Il l’a choisie avec son papa, son ancien papa. Il n’aime pas son nouveau papa. L’autre était gentil, il rentrait à la maison avec un bonbon presque tous les soirs. Lui, il s’en fout de lui, il s’en fout d’Angelo, il est méchant. Mais maman a dit que son premier papa est parti dans le ciel et qu’il ne pouvait pas revenir. Il aimait mieux la maison comme avant, mais c’est pas lui qui choisit.
Il a soif.
Maman a encore tout prévu, comme d’habitude. Elle sait lire dans ses pensées, elle. Elle sait toujours ce dont il a besoin. Son verre est déjà posé sur la table et il l’attrape de ses toutes petites mains. C’est lourd de l’eau. Il le porte à ses lèvres, mais il avale de travers et tousse. Pourquoi il a du mal à respirer, c’est que de l’eau… Il a envie d’appeler sa maman, mais il arrive pas. Il tourne la tête vers son nouveau papa, mais il le regarde pas. Il s’en fout. Et quand il tourne la tête, ses yeux sont tous noirs et ses sourcils sont pas jolis, comme quand il est pas content. « Tu vas la fermer sale morveux ? J’entends pas la télévision avec tes conneries ! ». Angelo tousse encore un peu pour faire partir la sensation qu’il aime pas, mais ça s’arrête que quand il sent une grosse main lui attraper le bras. Ça fait mal, mais il dit rien. Maman a dit de ne pas être méchant avec le nouveau papa, et d’être obéissant, et il aime sa maman. Il l’écoute, il fera toujours ce qu’elle dit. Mais il peut pas s’en empêcher, et il pleure un peu. Ça fait mal. Il va encore être bleu. Il aurait pas du pleurer, mais c’est trop tard. Il pleure encore plus et il se tord quand il sent quelque chose lui brûler le bras. « Tu diras à ta mère d’acheter un cendrier » Il le lâche mais ça fait toujours mal, ça chauffe, ça brûle. Il essuie ses larmes, il sait que s’il s’arrête pas, ça va continuer. Il ose pas regarder son nouveau papa, mais il sait ce qu’il fume. C’est les grosses cigarettes marron. Un ciga ? Non… Un Cibare ? … Un cigare ! Maman appelle ça un cigare, et elle dit que ça coûte cher et que du coup, il aura pas beaucoup de cadeaux pour son anniversaire.
Quand maman revient, elle donne des pâtes. Il aime les pâtes, il peut toujours en manger plein, et il aime manger. Maman voit les joues mouillées et les sèche et le porte jusqu’à la cuisine où elle prend soin des bobos. Elle donne un glaçon pour mettre sur le rond sur le bras et ça soulage, mais dés qu’il enlève, c’est pire. Maman pleure aussi. Il aime pas quand Maman pleure. Depuis que papa est parti dans le ciel, elle pleure souvent, toute seule et sans faire de bruit. Elle le pose par terre mais il reste et il attrape sa jambe pour lui faire un câlin. Il aime sa maman. Elle doit pas pleurer. Il est là pour maman, il la protège. Il la protègera même quand il sera grand.

fils de pute.

« from hour to hour we ripe and ripe » = « from whore to whore, we rape and rape »

Il termina de boutonner sa chemise, maintenant habitué à ses cicatrices. Cela fait longtemps qu’il n’a pas levé la main – ou autre d’ailleurs – sur lui, ce salopard, mais il en a laissé des marques en plusieurs années. Parfois, rien que de se souvenir, de toucher les cicatrices, de plonger dans ces heures sombres réussit à le faire tordre de douleur. Il ne savait pas où ils allaient. Selon sa mère, aujourd’hui est un jour encore plus spécial. C’est son anniversaire, ses dix-huit ans, et elle veut lui montrer quelque chose avant qu’il quitte la maison. Parce qu’il va la quitter cette maison. Il aurait aimé rester pour aider sa mère, mais il ne le supporte plus. Ce connard apporte peut-être un revenu supplémentaire, mais ça ne sert à rien, puisqu’il le liquide on ne sait dans quoi, en utilisant en plus celui de sa femme. Pourquoi l’a-t-il épousée ? Il ne l’aime pas, ça se voit. D’ailleurs, elle l’attend en bas, habillée simplement. Elle sourit mais il sait qu’elle est triste… Son fils est grand, son fils va s’en aller, et son mari est un poids. Il s’approche d’elle lentement et dépose un petit baiser tendre sur sa tempe.

Il s’avance en silence, comme s’il avait peur de réveiller tous ces gens endormis… Ces gens morts. Au début, il croit qu’ils vont visiter son père, mais ce n’est pas le cas. Ils ne prennent pas le bon chemin. En fait, ils vont à l’opposé. Il respire assez bruyamment à côté de la femme qui l’a élevé, cette femme qui l’a tellement aimé qu’elle a tout sacrifié. Soudain, elle s’arrête et contemple une des pierres tombales. Il reconnaît immédiatement le nom, parce qu’on ne lui a jamais caché son origine. « Rachel Jones. Ma mère biologique ». Il la hait, il l’a toujours détestée. Le seul avis qu’il se faisait d’elle, c’était que sa meilleure décision dans sa misérable vie avait été de le donner. Il soupire. Il ne veut pas en parler, il ne veut pas parler d’elle, il ne veut pas savoir. « Tu dois arrêter de la détester, Angelo. Elle reste ta mère… » — « Non, ce n’est pas ma mère. Elle… Ce n’est qu’une pute » Elle semble choquée par ses mots, mais c’est la vérité. Il ne connaît même pas son père, il ne saura jamais. Elle a fait les trottoirs, est tombée enceinte, l’a porté pendant neuf mois, a accouché puis l’a donné. Ce n’est pas une vie, ce n’est pas une façon de gérer la vie. Ce n’est pas sa mère. Sa mère ne s’appelle pas Rachel mais Amelia, et elle n’est pas une prostituée mais une femme courageuse travaillant presque nuit et jour pour s’occuper de son foyer. Elle pose sa main sur son épaule et même s’il a envie de partir, il reste. « Je ne l’aime pas, maman. Tu ne peux pas changer ça. Je ne la connais pas. Tout ce que je sais d’elle, c’est qu’elle m’a laissé… Et on sait tous les deux que ce n’était pas pour mon bien mais parce que j’étais un poids. Qui veut se taper une pute qui se trimballe son gosse dans les bras ? » Il prend la main de la seule personne en qui il a entièrement confiance et la tire hors du cimetière. Il ne veut pas rester une minute de plus. Celle qu’il considère comme sa mère capitule, et ils vont simplement manger un burger. Un simple burger le rend heureux, c’est suffisant pour son anniversaire. Il n’a pas besoin de plus. Il n’a pas besoin de « pardonner » aux gens qui l’ont négligé ou qui lui ont fait du mal. Un burger… C’est suffisant.
C’est suffisant.

fuck you very much

run, you clever boy, and remember

Il serre le nœud de sa cravate, les yeux noirs, les sourcils froncés, le regard grave. Il porte son costume aujourd’hui, son seul et unique, et il ne le remettra plus jamais, parce que ce serait trop douloureux. Ce costume, c’est le costume de la mort.

Il y va seul, à la cérémonie. Il doit faire bonne figure avec son beau-père, mais il sait qu’en réalité, il est seul. L’autre s’en fiche. Il sait juste que maintenant, il va être tranquille, même si ça lui fait de l’argent en moins. Angelo ne lui serre pas la main, ne lui accorde même pas un regard. Il préfère l’ignorer, il ne veut pas que tout dégénère. Mais s’il tente de rester calme, c’est pour sa mère. Il a toujours tout fait pour elle, depuis aussi longtemps qu’il s’en souvienne, et ça n’allait pas changer. Pas maintenant. Pas parce qu’elle était… Pas parce qu’elle l’avait quitté. Son seul réconfort, c’est que désormais, elle n’avait plus à être avec ce connard. Elle était enfin avec Papa, « dans le ciel », comme il disait enfant. La journée passe lentement, et il a du mal. Il connaît tous les gens présents, même s’il ne les a pas forcément portés dans son cœur. C’est pour elle, pas pour lui, il doit faire un effort. Mais il ne supporte pas ça, il ne le supporte pas… Faussement malheureux, faussement en deuil. Il s’en fiche, il s’en fichera toujours, cela ne changera jamais. Cet homme faisait parti de ces personnes à éradiquer de la surface de la Terre tellement ils sont inutiles, tellement ils n’apportent que du malheur et du chagrin à ceux qu’ils côtoient.

La journée prend finalement fin, au plus grand soulagement d’Angelo qui ne tenait plus. C’était plus douloureux que ce qu’il croyait et maintenant, il ressentait encore plus vivement la douleur dans sa poitrine, son cœur. Ce vide en lui. Son beau-père – il se réjouit peut-être un peu de ne plus avoir de connexion avec lui – s’approche et pose fortement sa main sur son épaule, comme s’ils avaient toujours été complices. Sûrement pour impressionner les derniers témoins. Le jeune adulte ne cille pas, ne faisant rien pour s’éloigner, ne faisant rien pour faire croire qu’il écoute. « On est parti sur un mauvais pied tous les deux. J’aimais ta mère… Enfin… « ta mère adoptive », on sait tous les deux d’où tu viens. Tu pourrais revenir à la maison, on serait bien ensemble, ça lui ferait plaisir. On pourra se sentir moins seul… » Quand tout le monde est enfin parti, Angelo ne peut s’empêcher de se retourner pour plaquer l’homme qu’il déteste le plus contre le mur. « Ne compte pas sur moi. Je n’ai pas besoin de toi pour vivre, je gagne assez. Je ne suis pas faible, je ne suis pas un sale morveux. Elle est morte à cause de toi, elle est partie par ta faute, on le sait tous les deux. Alors non… Débrouille-toi, apprend à cuisiner et ne fais pas le ménage si ça te chante, mais je reste chez moi. Et quand je reviendrai… » Il laisse sa phrase en suspend, laissant l’autre imaginer. S’il a de l’imagination. Il finit par le lâcher et se retient de lui cracher en pleine figure. Un jour, il en aura fini avec lui.
Un jour, il se vengera.