c'est le récit d'la forêt uesh.
NEVER UNDERESTIMATE THE POWER OF A GIRL.
« Maman, je sors ! Je peux avoir de l’argent ? » Madame McHalle apparut dans la cuisine, perchée sur ses talons hauts et lunettes de soleil sur la tête. Elle tendit à sa fille un billet de cent euros, comme si il avait s’agit d’un vulgaire bout de papier.
« Reviens avant trois heures, d’accord ? » ordonna-t-elle en quittant la pièce. Voilà son quotidien : il se résumait au lycée la journée, et aux sorties la nuit. Vivant dans le centre de Cahir, elle avait une liberté et une indépendance inégalables. Keelan se sentait libre, Keelan profitait de sa jeunesse, de son argent, de sa beauté, de sa popularité. Elle était constamment entourée des autres, filles comme garçons, qui s’amusaient de son côté hautain, son goût prononcé pour le danger et surtout pour son franc-parler qui faisait d’elle une alliée de choix. Pourtant, ça n'avait pas toujours été facile : riche à millions, on l'avait au début rejetée avant de se rendre compte qu'elle n'était pas différente des autres élèves et qu'elle ne pensait qu'à avoir une vie normale parmi les autres. Personne ne savait, mis à part ceux dans la confidence, qu'elle venait d'une famille de chasseurs de loup et qu'elle faisait de son mieux pour devenir la meilleure. Keelan n’avait peur de rien, Keelan était immortelle. Mais comme tout le monde, elle cachait des souffrances qu’elle ne voulait pas qu’on découvre. Sa plus grande peur, c’était qu’on connaisse ses faiblesses.
« Hé poupée, ça te dirait d’aller boire un verre ? » demanda un garçon plus âgé en l’observant des pieds à la tête. Elle portait une mini-robe rouge et des escarpins à talon noirs, elle était provocante et désirable sans pour autant être vulgaire. Elle croisa les bras et hausse un sourcil.
« Désolée chéri, mais j'ai un copain. Personne ne lui arrive à la cheville, et surtout pas toi. » Ses amies gloussèrent et, bras dessus, bras dessous, elles s’enfoncèrent dans les rues de Cahir à la recherche de la maison où elles devaient retrouver les autres, pour une une soirée tranquille. Personne ne l’attendait à la maison. Personne ne se souciait d’elle, parce qu’une famille, elle n’en avait pas. Ne pas en avoir était un grand mot certes : son père, constamment en voyage d’affaire, se tapait sa secrétaire et s’envoyait en l’air avec les hôtesses de l’air. Sa mère, elle, ramenait parfois des hommes à la maison qui laissaient des suçons dans son cou. Fille unique, elle faisait passer le temps ainsi.
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Une fois encore, Keelan s’était laissée avoir. A trop jouer avec le feu, elle avait perdu. Perdu la tête, perdu les pédales, perdu contre le destin. Recroquevillée contre le mur de sa salle de bain, elle pleurait et hurlait, tapait par terre comme si ça allait changer quoi que ce soit. Sa mère entra, paniquée, tentant de la calmer.
« Qu’est-ce qu’il y a ?! Qu’est-ce qu’il y a ?! hurlait Keelan, hystérique,
mais rien du tout, je suis parfaitement calme ! » Madame McHalle baissa les yeux et prit de force l’objet que sa fille chérie tenait dans ses mains. Elle trembla un peu et releva ses yeux vers elle, visiblement choquée.
« C'est toi qui a tué Maggie ? » Alors elles pleurèrent dans les bras l’une de l’autre pendant ce qui leur sembla être des heures, avant qu’elles s’endorment sur le carrelage froid de la salle de bain. Maggie, c'était sa cousine. C'était sa soeur. Sa moitié. Elle avait partagé ses joies et ses peines, mais Maggie était une menteuse et un monstre. Et Keelan était chasseuse, et elle n'avait fait que son travail. Ecoeurée par la vie et son acte, elle resta dans son lit pendant près d'une semaine, avant de se reprendre. La présence d'Adonis l'aida beaucoup, même si elle ne raconta jamais ce qui s'était passé. Seule sa mère, puis son père étaient au courant. Ce fut bien là le seul secret qu’ilss partagèrent de toute leur vie. Mais ce n’était pas le seul secret de Keelan, qui avait un autre vice caché : la kleptomanie. En effet, bien que riche à souhait, la jeune fille passait son temps à voler dans les magasins de luxe avec une dextérité impressionnante. Elle avait un réel don pour ça, jusqu’à ce qu’une caméra de sécurité se montre plus ingénieuse qu’elle. On l’arrêta et l’emmena au poste de l’arrondissement.
« Vous me le paierez pour m’avoir foutu la honte devant tout le monde ! » criait-elle à l’agent de police, comme si son crime n’était rien en comparaison avec la punition que l’homme venait de lui infliger en public. Très déçue, sa mère paya pour son erreur mais ne lui adressa plus la parole pendant un moment.
« Tu me déçois beaucoup en ce moment, je n’ai pas envie de te parler pour l’instant. » lui dit-elle seulement, tandis que la brune insistait un peu trop. Une seule fois sa mère lui avait dit qu’elle était déçue d’elle, une seule : lorsqu’elle était tombée de cheval, quatre ans plus tôt, et qu’elle n’avait pas pu réaliser le rêve de madame McHalle : gagner la compétition et intégrer l'équipe d'Irlande. Sa propre tristesse n’avait pas suffit, elle avait du affronter le regard de sa génitrice. Et aujourd’hui ça recommençait, et c’était insupportablement douloureux.
« Que veux-tu Keelan, tu fais n'importe quoi, c'est normal que ta mère en ait marre. » avec déclaré son amie, méprisante. Elle l'aimait cette fille. Bordel, qu'est-ce qu'elle pouvait l'aimer ... Et la détester !
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« Salut ! » Keelan haussa un sourcil et se retourna. Se tenait devant ses amies et elle le nouvel élève, tout juste arrivé. Parait-il qu’il avait été renvoyé de son lycée après avoir été attrapé avec de la drogue, ou en train de racketter des élèves plus jeunes. Le genre typique de personnes qu’il fallait éviter.
« Qu’est-ce que tu veux, abruti ? Pourquoi tu nous parles ? » demanda l’une de ses amies. Un sourire discret et amusé se dessina sur les lèvres de Keelan qui était persuadée que, comme les autres, il allait battre en retraite. Personne ne se dressait jamais devant elles. Pourtant, il ne sembla pas déstabilisé.
« C’est à toi que je parle Miss Silicone ? Non, c’est à ton amie. Alors sois gentille, ferme la. Tu seras beaucoup plus convaincante. » Les yeux de Keelan s’agrandirent et elle éclata de rire, avant de se reprendre. C’était bien la première fois qu’elle assistait à un tel spectacle.
« Qu’est-ce que tu veux ? » demanda-t-elle à son tour, plus doucement. Ce dernier passa sa main dans ses cheveux.
« Je peux te parler, seul à seule ? » Elle secoua la tête.
« J’ai pas le temps là. » répondit-elle en tournant les talons et en continuant sa route. Elles rejoignirent leurs homonymes masculins devant le lycée, qui étaient en train de fumer, discuter et parler des élèves qui passaient devant eux.
« Vous le croirez jamais ! Le nouveau de la classe là, il drague Keelan ! » s’exclama « Miss Silicone », ravie de pouvoir attirer l’attention sur elle. Les regards se tournèrent vers Keelan qui rougit légèrement et haussa les épaules.
« N’importe quoi. » répondit-elle, le cœur battant. Adonis planta ses yeux dans les siens et elle rougit encore plus. Adonis … La neige tombait et recouvrait le sol d'un joli voile blanc. Le lycée était bientôt terminé et tout changerait, leurs vies et leurs relations. Mais pour l'instant, elle profitait de ses amis extraordinaires et de ce garçon aux beaux yeux bleus. Elle se blottit dans ses bras, le cœur battant. Elle ne pouvait plus imaginer la vie sans lui.
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Seule dans sa chambre, Keelan était connectée sur facebook, à la recherche de potins. Elle demanda à Adonis si il voulait en profiter que ses parents soient dehors pour passe chez elle, mais il avait quelque chose à faire. Déçue, elle enfila un legging en faux-cuir ainsi qu’un tee-shirt blanc et un sweat noir, attacha ses cheveux en chignon et prit une arbalète soigneusement cachée dans son dressing. Elle quitta la maison en silence, bien décidée à tuer le temps en chassant. Chasser, c’était une seconde nature pour elle ; cette sensation, elle l’adorait. Elle était grisante, excitante, de celles dont on a besoin pour se sentir en vie. Cette sensation, c’était la même que lorsque le garçon qu’elle aimait la regardait dans les yeux, quand elle sentait qu’il la désirait. Silencieuse, elle fonça à travers la forêt, attentive au moindre bruit. Ce loup, ça faisait longtemps qu’elle le poursuivait sans réussir à l’attraper. Jamais elle ne l’attrapait. Mais elle s’était promise d’y arriver, pour l’honneur de la famille McHalle. Parce que Keelan avait juré qu’elle serait la meilleure de Cahir, et qu’on couvrirait sa famille de gloire. C’était son objectif absolu. Fatiguée de courir, elle ralentit et perdit le loup de vue. Mais un craquement sur la gauche l’alerte et elle visa avec son arbalète, prête à se défendre. La jeune fille sursauta en reconnaissant la personne qui se tenait en face d’elle.
« Qu’est-ce que tu fais là Adonis ? Je croyais que tu allais voir des amis ! C’est dangereux la n… » commença-t-elle, avant de se taire. Lui aussi tenait une arme.
« Tu es un chasseur. » dit-elle avec un sourire à la fois tendre et émerveillé. Elle tourna la tête vers l’endroit où le loup avait disparu, son sourire s’élargit et elle lança d’un air de défi :
« Que le meilleur gagne ! » Après ça, son amour pour ce garçon plus jeune ne fit que croître davantage. Elle pouvait parler de ça avec lui, alors qu’elle lui avait toujours caché sa seconde nature. Elle détestait lui mentir, et pouvoir en discuter librement était un tel soulagement que Keelan avait l’impression réelle qu’il serait l’homme de sa vie. En aucun cas elle n’aurait pu penser qu’avec le temps, Adonis viendrait à douter de sa relation avec elle ; que son amour pour elle s’amenuiserait. Non, ça, c’était impensable. Elle ne le voyait pas ; et ne pouvait pas y croire.
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Au fond, Keelan pouvait se vanter d’avoir une vie extraordinaire pleine de rebondissements, contrairement à bon nombre de gens qui mentaient pour enjoliver leur vie. Avec ses beaux yeux bruns et ses cheveux d'une perfection affligeante, avec ses notes exemplaires et sa situation familiale pourrie, son compte en banque qui débordait, son petit ami plus beau qu'un dieu, ses amies en or et son travail de chasseur de loup, Keelan avait tout et ne manquait de rien. C’était comme ça qu’elle était heureuse, elle n’avait besoin de rien d’autre. Et à part ça, il lui en arrivait des choses … Comme sa meilleure amie qu’elle avait perdue après le collège, après que celle-ci l’ait embrassée. Ça lui avait fait un tel choc que Keelan l’avait repoussée et n’avait plus voulu lui parler. Pourquoi ? Elle n'en savait rien. Et elle ne voulait pas le savoir, parce que de toute façon elle ne lui parlait plus. Ou encore le nouveau et meilleur ami de son ancienne meilleure amie justement, qui la draguait de plus en plus ouvertement. Et puis il y avait ce nouveau qui la draguait de plus en plus ouvertement. Même si elle le repoussait sans cesse, elle ne détestait pas ça. Alors qu'Adonis était de plus en plus occupé, lui la regardait. Elle se sentait belle. Et Miss Silicone, qui lui tapait sur le système. Et sa mère, qui avait accepté de lui parler de nouveau. Et son père, avec qui sa relation changeait peu à peu. Et les manucures, les soirées entre filles, les sorties en boîte de nuit, chez des inconnus, le shopping, le cinéma, les devoirs, les parties de chasse dans les bois … Keelan n’avait pas une minute à elle. Sa vie était remplie, sa vie était parfaite. Pourquoi changer ? Elle voulait profiter de ses derniers instants de sa vie d’enfant, avant de prendre son envol pour toujours. Parce qu’au fond, elle savait pertinemment qu’après cette année, plus rien ne serait jamais comme avant.
burnt by night.
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