CIARVEY

C’EST LE PREMIER BAISER QUI DONNE L’IVRESSE LA PLUS DOUCE

Onze heures. Déjà onze heures du matin ce beau samedi. Ce jour était plus que magnifique pour Harvey qui en ce jour de repos pouvait profiter de la salle de sport le matin et du soleil l’après-midi. La météo prévoyait vingt-cinq degrés, sans nuage ni vent… La météo prévoyait en fait le début de l’été. Il ne faisait jamais très chaud à Cahir, ce qui ravissait plus d’une personne incapable de supporter la chaleur. Les onze heures sonnèrent donc alors que l’enseignant était au centre de sport de la ville. Il avait toujours pris soin de son physique, déjà pendant l’adolescence avec son frère. Il avait toujours voulu et aimé être mieux que les autres, et la popularité des jumeaux O’Malley ne s’était pas faite seule à l’époque. Souvent, les gens pensent que les personnes populaires dans un établissement scolaire le sont parce qu’elles ont de nature un joli visage et une nature sociable. Ce n’est qu’à moitié vrai… ça s’entretient ces choses là et ça, Tomas et Harvey l’avaient vite compris. Il attrapa sa petite serviette posée sur un des bancs mis à disposition dans la salle pour se reposer et s’essuya rapidement mais efficacement le visage puis les aisselles. Vive la transpiration ! Enfin, il se félicitait de pouvoir transpirer normalement… À Londres, il avait ce camarade de classe qui avait une maladie assez étrange… Il transpirait sans cesse et devait boire en permanence. C’était dégoûtant — il ne pouvait rien tenir correctement car ses mains n‘étaient pas moites, mais trempées — et triste à la fois. Harvey chassa a dite personne de ses pensées et reprit son rituel sportif. Comme à son habitude, il se dirigea vers le rameur pour la fin de ses exercices. Le rameur, ou un des pires appareils de sport qui existe quand on n’est pas très sportif. Vous savez, c’est ce truc qui fait travailler les jambes, les bras et le dos en même temps en vous faisant un peu imiter un gars qui fait de l’aviron. Il terminait toujours par cela parce qu’après plus de deux heures à bouger, son taux d’adrénaline très élevé lui donnait le courage de s’y asseoir.

Il s’arrêta plus brusquement qu’il ne l’avait voulu au départ. Il espérait réellement que ses yeux étaient en train de le trahir et de lui donner des visions erronées. Ce n’était pas possible, il refusait d’y croire. C’était son jour de congé aujourd’hui, son jour de repos… Samedi quoi ! Quel professeur est obligé de tomber sur ses élèves un tel jour ! C’était vraiment l’un des plus gros inconvénients de Cahir. Cette ville était tellement petite et donc avec si peu d’infrastructures que rencontrer des gens qu’on connaît était d’une facilité déconcertante. Cela peut être génial comme très embêtant… Par exemple aujourd’hui. Harvey avait tendance à le croiser partout ce lycéen, et encore plus maintenant qu’il avait son adresse et qu’il n’hésitait pas à s’y pointer. La dernière fois, il avait même dormi chez lui à cause du chiot qu’il avait ramassé dans la rue ! Non mais sérieusement… Et puis, il n’avait pas très envie de le voir trop souvent. Ce garçon l’attirait, il devait se l’avouer, et tomber dans un tel piège serait catastrophique. Il perdrait son travail et ne pourrait plus enseigner… Même si ça ne se voit pas, il aime son travail. La preuve est qu’il le fait alors qu’il n’en a pas besoin. Il soupira et se releva pour reprendre sa serviette à nouveau. Son plan était plus que bête : quitter la salle au plus vite avant que le jeune Doherty ne vienne lui adresser la parole. Bête, simple, facile à exécuter. Ciaran devait juste garder ses yeux rivés sur ses haltères. Harvey se surprit à prier pour que celui-ci ne relève pas la tête car s’il le faisait, il viendrait lui parler à tous les coups.

Ses muscles se détendirent en même temps quand la porte du vestiaire se referma derrière lui. Quelle chance ! Il prit enfin la peine de respirer normalement pour commencer à récupérer de cette matinée sportive et de ce dernier événement inattendu. Depuis quand ce jeune lycéen venait-il à la salle de sport ? Pas depuis longtemps, au vu de sa silhouette. Il inséra la petite clé dans la serrure de son casier mais n’eut pas le temps de la tourner. Cette voix… Cette voix… Il ferma les yeux et déglutis pour prendre son courage à deux mains. « Bonjour Ciaran ! », dit-il sur un ton beaucoup trop enjoué pour être normal. « Que… Que fais-tu ici, en ce samedi matin sans cours et très ensoleillé ? » Sa frustration s’entendait à peine…